LA COCCINELLE ET L’ÉLÉPHANT – FABLE – Armelle Barguillet

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Une coccinelle gémissait
Contre le sort fatidique
Qui l’avait faite trop petite.
Que ma vie est donc cruelle !
Se plaignait-elle.
Un éléphant en faisait autant
Contre un sort désobligeant
Qui l’avait voulu trop grand.
La coccinelle disait :
Pourquoi ai-je une robe écarlate,
Parsemée de jolis pois noirs,
Puisque dans ce monde distrait,
Et plus cruel qu’il n’y parait,
Personne ne semble me voir ?
Si la coccinelle se désolait
Que l’on fasse si peu de cas
De ses appas,
De sa grâce juvénile
et de sa belle mise,
Pour sa part, l’éléphant s’affligeait
Que sa noble prestance n’attise
Que de sombres convoitises.
Contrairement à sa consoeur,
Mais avec le même cœur,
Il trompetait
Qu’il lui aurait davantage plu
De passer inaperçu.
Pour s’emparer de mon ivoire,
Et malgré mes cris d’alarme,
C’est sans état d’âme, croyez-moi,
Que l’on me sacrifie
Sur l’autel du profit,
Contait-il à ses amis,
Les fidèles hippopotames,
Qui s’apitoyaient au récit
De ses déboires et de ses drames.
Si bien que ce qui fit ma fierté
Ne sert à promouvoir
Que la malhonnêteté
De quelques financiers.

Tandis que la coccinelle déplorait
Que ses mérites et ses vertus
Restassent, en somme, trop méconnus,
L’humeur de notre éléphant s’altérait
Au point que sa bonhommie
Virait ni plus, ni moins, à la mélancolie.
Mélancolie ! Neurasthénie !
Allons, allons, mes amis,
Reprenez vos esprits,
La vie, qu’on se le dise,
N’est pas si difficile !
Petite coccinelle, sache que l’on t’admire.
On t’a prise pour emblème
Et, que tu le veuilles ou non,
Tu ornes plus d’un livre,
Anime plus d’un récit.
Et toi, noble éléphant,
Sais-tu que des savants,
Venus du monde entier,
Guettent des heures durant,
Sous l’auvent d’un banian,
Ta marche impériale,
Sans céder, pour autant,
A des pensées vénales !
Puis, au bord de l’étang
D’où s’envolent les flamants,
Ils te regardent boire.

Ne soyez pas tristes, mes amis,
On vous aime,
On vous traque, on vous filme,
On vous prend pour modèles,
La renommée le veut ainsi …
Alors, pardonnez-nous et soyez rassurés :
Notre curiosité ne nous est dictée
Que par l’amitié.

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  ( extrait de « La ronde des fabliaux » )

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Armelle Barguillet

Armelle Barguillet (15)

Écrivain et poète, j’ai à mon actif une quinzaine d’ouvrages, dont « Le chant de Malabata » couronné par l’Académie française et une étude sur Marcel Proust « Proust et le miroir des eaux ». J’anime depuis plusieurs années deux blogs : « Interligne », consacré à la littérature et aux voyages et « La plume et l’image », exclusivement au 7e Art. Je suis membre du Conseil d’administration du « Cercle littéraire proustien de Cabourg-Balbec ».

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