Une poule bégueule – Laurence de Koninck

 

Une poule méprisait tous les coqs beaux parleurs,

Car leur verbiage sans vers ressemblait à un leurre,

Elle rêvait qu’on lui fasse longue cour par amour,

Au diable les plans drague aux discours trop courts !

 

Théâtrale jusqu’au bout des griffes, elle pondait des textes

Qu’elle déclamait ; les beaux sentiments étaient prétexte ;

Mine revêche, raide comme la justice, le caquetage choisi,

Elle prenait de grands airs, avait le teint rouge cramoisi,

 

 

Lorsqu’un cavaleur au ton badin prenait pose alanguie,

Le bec pincé, les plumes en pagaille, la poule vociférait

Tant qu’elle pouvait, criant à l’infamie, et s’évanouissait,

Toute la basse-cour riait à gorge déployée, quelle comédie !

 

Être la risée de la ferme et des alentours sans être point jolie,

Lui assurait un avenir de poule au pot sur un lit de brocolis,

Faute de mieux ! Voyant que l’effet retombait tel un soufflé,

La poule sainte-nitouche repartait le bec dans l’eau, assuré,

Prétentieuse, son langage emphatique ne ferait pas date ;

 

Un jour, se dandinant sans regarder où elle mettait les pattes,

Elle glissa sur une bouse toute fraîche et atterrit dans la mare !

« C’est bien fait pour vous » lui lança un coq hardi, « Y’en a marre ! »,

La poule morte de honte prit ses jambes à son cou, partit se cacher,

On ne sut jamais où, la bégueule ne laissa pas d’adresse au poulailler !

 

© Laurence de Koninck -2018

 

 

 

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Ecrire de la poésie me réjouit,
Jouer sur les mots m’enchante,
Et tant pis si rien ne se produit,
Je repasserai si ça me chante !

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