J’ai cru embarquer sur un trois-mât
Au beau jour maudit de ma naissance,
Pour voguer sous les meilleurs climats,
Naviguer sur des flots d’innocence,
Loin des tempêtes et des frimas,
Mais mon navire de croisière
N’est, je le crois bien, qu’une galère…
Et, depuis, j’avance vers un port,
Sur le banc, à la chaîne, en cadence,
Sans avoir trouvé où est le nord ;
Garde-chiourme menant la danse,
Quel que soit le vent, de bord à bord,
Car mon navire de croisière
N’est, je le crains fort, qu’une galère…
Je cingle, depuis que je suis né
À la force des bras, en silence,
Sans ricaner et sans chicaner
Sur chaque année passée, et canée,
Qui n’est jamais la dernière née.
Oui, mon navire de croisière
N’est, comme le tien, qu’une galère…
Au son du tambour, moi le captif,
J’attends que ce bateau-là chavire,
S’échoue sur un quelconque récif,
Pour que cesse l’avance du navire
Qui me rend sourd, aveugle et passif,
Tant le mener donne des œillères
N’est, j’en suis sûr, qu’une galère…
À moins que la chiourme, à bâbord,
Ne brise ses chaînes et ne fasse
Avec les bancs unis de tribord,
Que le tambour, dont le rythme lasse,
Et le fouet qui frappe d’abord
Ne soient, tous, jetés par-dessus bord,
Que nos navires de croisière
Ne soient plus jamais, non, des galères…
© Christian Satgé – mai 2014