Le vieux chien et les jeunes bêtes – Christian Satgé

Petite fable affable

Doux et tendre pour sa maîtresse,
Un vieux chien, nourri aux caresses,
Passait, dans sa rue, pour gâteux.
Aux yeux des jeunes vaniteux
De cette urbaine gent canine,
Il avait l’humeur féminine,
N’ayant pas de crocs incisifs
Contre le félin solitaire,
N’aboyant pas comme un oisif
Contre un plus faible mis à terre,…
La dame, en Afrique, partit.
Son chien fut donc de la partie.
Aimant à voir et à connaître,
La bête passa la fenêtre
Pour découvrir des horizons
Nouveaux, brousses et frondaisons.
Le chien courut à perdre haleine
Et fit si bien qu’il se perdit.
Seul et las sous la lune pleine,
Il geignit dans l’air attiédi…

Un jeune lion en goguette
Entend la plainte et donc le guette.
Or le chien flaira cet intrus
Qui avait tout du malotru.
Il retira d’une carcasse
Un os qu’il mord, ronge et puis casse
Il dit, sans voir son agresseur :
« Le lion, ça c’est de la viande !…
C’est le régal du vrai chasseur !
Y’en a d’autres dans cette lande ? »

À ces mots, le lion s’effraie
Et s’enfuit plus vite qu’orfraie.
Un singe qui a vu la scène
Depuis l’arbre où il prend sa cène,
Décide d’en tirer profit.
Il va trouver le déconfit,
Marchande et monnaye ses dires
Contre la fauve protection.
Le lion, marri, fut tout ire :
Lui, un futur roi, le jouet
De ce chien malingre et roué ?!
Avec le singe, il s’en retourne
Auprès du vieux chien qui leur tourne
Le dos mais a tout entendu :
« Voilà plus d’une heure, Boudu,
Que j’ai envoyé c’petit singe
Me chercher un autre lion ;
J’ai encore l’estom’ qui grinche ! »…

D’après vous, que fit le lion ?!

Ami, médite ce message
Qui vaut bien des apprentissages :
L’âge émousse sans doute tout
Mais il aiguise, chez le Sage,
Fut-il près de l’équarrissage,
L’esprit qui est son seul atout.
Alors, si tu veux – au passage –
Trouer quelque peu mon corsage
Ou me faire boire un flacon,
Fais bien gaffe à toi, Petit c… !

© Christian Satgé – septembre 2011

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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