Le “suicidé” – Simone Gibert –

Le croirez-vous ? Un soir,

C’est tout le désespoir

Qui a bondi chez nous,

Son enfant à son cou …

 

La misère dans les yeux

Allume tous les feux

Des ciels d’orages,

Quel affreux présage !

 

Il dépose l’enfant

Sur le petit divan,

“Mais que s’est-il passé ?”

“Il n’est rien arrivé !”

 

Et ce rien, ce bref mot

Brosse bien le tableau

De cette pauvreté,

Par trop enracinée.

 

Temps d’hésitation,

Quelle en est la raison ?

Il sort dans le jardin

Un flacon à la main.

 

“Madame ! du poison

Contre les pucerons !”

La gardien s’affole,

Une carriole !

 

Tout du long allongé,

Le père, le suicidé,

Est pris de tremblement,

Là, devant son enfant.

 

“Va alerter les gens !”

Je bascule le temps,

Et claquent mes ordres

Dans tout ce désordre.

 

On enlève le corps,

“Mais non, il n’est pas mort !”

La charrette attelée

Reçoit le suicidé.

 

L‘homme là, étendu,

De la vie ne veut plus,

“Il faut le maintenir,

Avant de le guérir !”

 

Chacun s’exécute,

Aucun ne discute,

Et nous perdons du temps,

Toujours en cahotant.

 

Puis nous apercevons

Trouant cet horizon,

Le seul réverbère

Du seul dispensaire.

 

Ici, c’est sommaire,

Et c’est la prière

Qui bientôt nous guérit,

Plus que la pharmacie !

 

“Non, c’est coutumier”

M’annonce l’infirmier,

“Vous êtes au Sénégal

Et partout c’est égal !”…

 

Quelques explications,

Des informations,

“Il n’est plus en danger !”,

Mon coeur est soulagé.

 

Des hommes silencieux

M’accompagnent des yeux,

J’ai bien l’impression :

D’ incompréhension !

 

La charrette m’attend,

Le cheval somnolant,

Nous entraîne à nouveau

A trop tout petit trot.

 

Dans cette encre de nuit,

Je discerne que luit

Le regard de ces noirs

Sur cette femme ivoire.

 

Encor dans leur passé,

Que doivent-ils penser ?

Une femme au coeur dur,

D’une autre culture,

 

Qui depuis le matin,

Travaille au jardin,

Derrière ses murs,

Fait de la peinture ?

 

De cette obscurité

Surgit, illuminée,

Ma villa qui prend l’air

D’un écran en plein air.

 

Je sors de mes pensées,

Nous sommes arrivés,

Le programme ce soir

Etait le désespoir…

 

Du film est-ce la fin ?

Le gardien prend ma main,

“Madame, va te coucher,

Il faut te reposer”.

 

J‘entre dans la maison,

Et mes illusions ?

L’enfant est endormi,

J’ai un peu de répit.

 

©S Gibert

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Christian Satgé
Membre
18 novembre 2018 10 h 59 min

Superbe. C’est le mot qui me vient mais il me vient du bon du cœur. Continuez à nous enchanter, Simone, avec ces airs du passé, cet exotisme où pointe la tendresse, cette beauté dans la simplicité de la facture. De la belle ouvrage…