Le Montmartre, cabaret dancing – André Nolat

Ce poème en vers libre tient autant du souvenir que du « fantastique social ». Car, dans ce lieu hors du temps, blotti aux confins de la ville dans une ruelle où il était le seul ornement, n’entraient alors en semaine que des affranchis, hommes et femmes. Sous de  changeantes lumières, dans un mélange compliqué de parfums, ils dansaient à la perfection, « noués comme des vipères » selon la dure expression de Mac Orlan, loin des regards de la ville bourgeoise.

 

 LE MONTMARTRE, CABARET-DANCING

     (Une nuit de l’hiver 1969)

*

Les lueurs pourpres de l’enseigne

Imitant une écriture haute et penchée

Se reflètent sur la neige, toute neuve,

Comme des traînées de sang pâle.

Un tango, célèbre dans les années cinquante,

Hache la nuit de son phrasé cruel et languide.

*

Passée la porte, doublée de tôle,

Sur laquelle déteint le safran d’une affiche,

Passé le sas triangulaire qu’ouvre,

À bon escient, la plus âgée des douze Sœurs,

Un décor fané se métamorphose

Sous les jeux de la lumière noire.

*

Un orchestre, méticuleux,

Se niche dans un moulin de plâtre vermillon.

Une farandole incendiée de danseuses de cancan

S’étire sur l’un des murs.

Au-dessus du bar, une glace ourlée de photographies

Se moire de l’écho des petites lampes rouges.

*

Prêtresse de l’ombre, maîtresse des lieux,

Madame Huguette, blonde, enrobée, belle encore,

Ne trouble, ni de sa voix cassée, ni de son rire épais,

Les enroulements des danseurs.

Elle accueille avec indulgence

Les passagers de la nuit, les voyageurs du petit jour.

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Guy André Talon

Guy André Talon (43)

J'ai publié, chez de petits éditeurs sérieux et en autoédition avec souscription, sous le pseudonyme d'André Nolat (que je tiens à conserver), des plaquettes, des nouvelles, des chroniques, des essais. Je ne m'en prévaux guère.
Par ailleurs, je vis seul depuis le décès de ma compagne, et j'aime lire, écrire, voir des films, des débats télévisés, etc.
Quant à ma vie passée, plus agitée, elle a fait l'objet de divers récits liés à des lieux où j'ai vécu - presque tous détruits ou métamorphosés... C'est pourquoi à partir d'un certain moment de son parcours, je crois qu'on peut dire, citant Céline, " qu'on est plus qu'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne."

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10 Commentaires
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Colette Guinard
Membre
20 novembre 2021 10 h 31 min

Je m’y crois encore ,c’était fabuleux comme votre récit Merci !
Bon samedi ! Colette

Alain Salvador
Membre
19 novembre 2021 9 h 00 min

Une belle ambiance de ces nuits parisennes où les soucis du jour se noient dans la magie des sons et des couleurs, de l’amour et de la volupté

Merci du partage

Martyne Dubau
Membre
18 novembre 2021 22 h 31 min

Et tout peut commencer
la nuit tout est permis

beau décor et ambiance feutrée

merci de ce moment

Anne Cailloux
Membre
18 novembre 2021 21 h 30 min

Notre Montmartre des artistes et des folies parisiennes, faites nous les vivres encore longtemps.

Plume de Poète
Administrateur
18 novembre 2021 17 h 56 min

C’est un régal Guy ! Merci pour ce beau partage poétique qui laisse glisser les mots à la lecture sur la piste de dance et nous entraine dans une ronde merveilleuse d’antan…