Le courtisan à court – Christian Satgé

Petite fable affable

Un drôle de zèbre, perdu en forêt,
Causait au roi, un pachyderme indigène,
Espèce disparue quoique timorée.
Le rayé de robe, sans honte ni gêne
Cajolait fort ce si puissant voisin,
Le caressait de faux semblants ou de phrases
Toutes prêtes stockées au grand magasin
De ses méninges. Ah, que de périphrases
Pour le vanter !… Faisons court : il flagornait.
Le zèbre, ce vendu, louait avec larmes
Et courtoisies, bien plus benoît que benêt,
Cet éléphant placide qui pouvait, armes
Au vent, charger, changeant d’humeur, quoique doux,
Très souvent : Un tel amadou s’amadoue
Par des discours, des compliments,… qui apaisent.
Mais qui dit que l’on est dupe et que ça plaise ?

Notre zèbre, pour mieux faire encor’ sa Cour,
Piétine du verbe et foule des pattes
Les autres sujets du Roi : les bien trop courts,
Les pas assez gros,… qui, tous, trop bonnes pâtes,
Prêtaient l’oreille sans donner de la voix,
Ne répliquant jamais ni mot ni miette.
Aussi poursuivit-il prou dans cette voie,
Leur silence lui faisant l’âme quiète.
Il berçait l’éléphant à tant l’encenser,
Le croyait à sa main et pris sous son charme :
Il crut pouvoir, à découvert, s’avancer.
Toujours en éveil mais jamais en alarme,
L’éléphant dit, en peu de mots, sa pensée :
« Tout hâbleur vivant de qui ne l’a percé,
Honte à celui qui, pour flatter le monarque,
Écrase ses sujets ou ne les remarque ! »

© Christian Satgé – avril 2014

 

Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
5 novembre 2018 22 h 17 min

Toujours de bonnes fables affables qui posent une certaine morale intéressante à découvrir.