(Inspiré d’une histoire vraie.)
– L’anniversaire de Michel, il a dix ans. On est des grands. –
Et si tu me crois pas hé t’vas voir ta gueule à la récré.
Ce dimanche là d’avril, j’étais invité par mon copain de quartier Michel Alvès.
On l’appelait comme ça, je l’appelais comme ça, mais en fait son nom c’était Assunção Da Silva.
Son vrai nom était bien long en fait, avec 7 termes qui se suivait, les uns à la suite des autres.
Son vrai prénom c’était Michel, comme Saint Michel qu’était pas loin, à 2 stations, aussi en train.
C’était pour son anniversaire, pour le fêter chez lui.
Et aussi pour y manger le midi.
Ils habitaient dans ma cité, à l’escalier du milieu, d’un bâtiment, celui le plus à gauche des 3 immeubles de la résidence. Celui que je voyais de profil de ma chambre, avec les deux autres face à moi.
C’ était au Rez-de-Chaussée.
Enfin, avec les caves en dessous, quand on rentrait dans une cage d’escalier de n’importe lequel des trois immeubles, il fallait monter plusieurs marches.
De l’ordre d’un demi-palier Il n’y avait pas d’ascenseurs dans ces bâtiments de 4 étages.
Ça a été une de mes premières interrogations et incompréhensions, de gamin, de voir ça, un étage situé à mi-étage.
J’étais déjà grand, intelligent. Ça se faisait pas ça normalement.
Il y avait,dans la résidence, aussi des maisons individuelles, certaines à un et d’autres à deux étages et sans toit.
Je veux dire sans un vrai toit avec des tuiles et pentus.
Comme les toits classiques, ceux qu’on voit d’habitude, qui sont souvent soit avec juste une seule pente, soit avec 2 comme plus souvent.
Ici les toits étaient plats, et recouverts d’une couche de bitume.
J’avais jamais vu ça. Des toits comme ça. Pourtant je croyais que j’avais vécu, déjà tout connu.
Donc ce dimanche, j’ai frappé chez eux un peu avant midi.
C’était l’heure prévue.
C’est la mère qui m’a ouvert.
C’était une famille de Portugais, avec un fort accent chez les parents, beaucoup moins chez les enfants.
Elle, elle avait un peu de moustache, ce n’était pas un cliché. Comme le bout du nez au milieu de la figure, ça devait se voir sur les photos, beaucoup de noir bien au milieu du blanc et noir ou de la couleur.
Mais ce jour là jamais de photos. Pas développé, pas bon marché. Salaire de misère, juste le père.
A la voix forte, de taille moyenne de taille certaine, de l’embonpoint, qu’est bien au point.
Pas de point de côté dans le manger. Faut pas garder. Va se périmer.
Et puis le père, plus fort encore, le sexe fort. Parole facile, pas difficile.
Il parlait lui, plus un mélange de Franco-Portugais qu’il baragouinait et je le ne comprenais pas toujours. Souvent bcp de jurons avec dans le ton marchand de poisson.
J’avais même souvent beaucoup de mal à le suivre, je ne cherchais pas trop à comprendre. Bcp de blabla, pas trop pour moi.
Michel, c’était un bon copain, même si on s’était battus plusieurs fois, parfois très fort, souvent pour des broutilles.
On avait aussi construit des cabanes dans les bois environnants, plusieurs fois.
Une fois, en allant dans notre île, on appelait ça notre île.
Parce que ce petit monticule était entouré, l’hiver d’eau stagnante.
Un jour en traversant sur de longs morceaux de bois qu’on avait placés là, le Michel, il avait glissé et il était tombé à l’eau. Bien couvert, mais jusqu’au fond. dans de l’eau froide, il a chuté.
Trempé jusqu’aux os, sitôt relevé et dans la vase il s’est mû jusqu’à la rive et s’est hissé.
une vraie sangsue est remontée, l’accompagnait collée sur la chair de son mollet.
Et il gueulait comme un gamin et il hurlait que ça lui faisait super mal.
Il a aussitôt essayé de la retirer. Mais sans succès
On s’y est mis, nous deux aussi, Juju et moi, fallait l’aider à la retirer.
Après, tous trois, on s’est tous dit, comme un seul homme, qu’il fallait la brûler.
Chacun disant, c’est moi qui l’ai dit en premier. Non c’est moi. Non moi.
Mais on avait beau se regarder, on n’avait pas de feu à l’époque.
Alors il est rentré chez lui… Je n’ai pas trop comment ça c’est terminé.
La sangsue a fini à la poubelle, je crois.
Enfin bref ce jour là, ce dimanche, c’était son anniversaire.
Il était déjà plusieurs fois venu chez moi le Michel, dans la maison à un étage, et sans « vrai » toit.
Parfois l’on y jouait dans le jardin, ou dans le garage et ce jour là, c’était la 1ère fois, cette fois là que j’allais chez lui. Il y a toujours une première fois.
« Entles Malque, Entles » me dit sa mère.
Elle me connaissait bien sûr de vue.
Même si on n’avait jamais jusqu’ici parlé ensemble.
Comme c’était un jour d’anniversaire, son père a vite proposé l’apéro. Du porto.
Tout le monde a bondi avec des sauts, des cris de joie.
Moi je restais là.
C’était la première fois que je buvais de l’alcool.
Je n’étais pas trop d’accord d’abord.
Parce que ça se faisait pas ça et que c’était pour les grands l’alcool.
Et que c’était pas pour les enfants. J’avais de l’éducation. Moi M’ssieurs, Dames et Mesdemoiselles.
Mais ils ont tous insisté.
Aussi Maria, plus jeune, sa sœur, pour qui j’avais un coup de coeur.
Fine, brune, au regard troublant, touchant, avec ses yeux noirs, elle attirait les regards.
Je ne sais pas trop comment c’est venu.
Peut-être que c’était depuis qu’ elle s’était épanouie.
On ne sait pas toujours, ce qui se passe chez nous.
Elle s’est un peu moquée de moi, ce jour là, en disant que c’était surtout pour les hommes, l’alcool.
Et surtout le Porto, qui venait de Porto, par monts par vaux et par bateaux.
Alors j’ai tendu mon verre et vaincu j’ai bu.
J’ai bu, vingt Dieux, cru devenir Dieu, aussi devenir vieux.
Et puis on m’a resservi, alors j’ai rebu. Cru voir la vierge, brûler cierge.
Et bu, rebu. Et puis zébu, et puis j’ai vu, et suis vaincu, et puis le début de tête dans le cul.
Ça a vite commencé à tourner fort dans ma tête de gamin. Du haut de mes dix ans.
Et si tu me crois pas hé t’vas voir ta gueule à la récré.
les nombreux gâteaux apéros et les encas un peu dans le gras, de la cochonnaille, un peu de volaille, qq anchois, du pâté de foie, c’est bon ma foi.
Puis on a commencé à manger. Midi et demi. Déjà tout le monde de l’appétit.
à la morue le plat d’entrée, venu de la marée et du marché.
Pour commencer. jamais mangé, je ne connaissais.
C’était trop bon, beaucoup de poisson, quelques patates, de l’ail Aille Aille,
Et ça tournait, ça tournait. Et les tempes et le cœur, à eux tous seuls chamade battaient.
Et ça dansait la rumba, dans le mental qu’était lancé dans le survolté.
Surtout qu’ on avait enchaîné au repas avec du vin et c’était bien. Mais bien, divin.
Tout le monde rigolait. Moi je comprenais pas trop ce qui se passait.
Le père avec un grand sourire, qui passait de temps en temps au rire, à des soupirs, qq jurons qu’il marmonnait lancés dans l’air, tombés ras de terre.
Rapidement ils se sont tous mis à manger avec les doigts.
Je trouvais ça dégoûtant. Ça ne se faisait pas tout ça.
Et puis on s’en mettait plein les doigts.
Ça restait, ça sentait, sous les ongles ça se coinçait.
Ça respirait la bestialité, ça me faisait penser à des cochons.
C’était des cochons. Groin, Groin. Des cochons. Oh hey les cochons Hey.
Mais c’était quand même plus rapide et bien meilleur aussi qu’avec les couverts.
Il y a eu entrée, plat, plateau de fromage, beau repas de Fête.
Et puis est venu le tour du gâteau.
La grande sœur a fermé les volets.
Pour faire de l’obscurité.
La mère alors est venue de la cuisine, portant dans le noir le gâteau avec dessus dix bougies allumées.
C’étaient ses dix. Et si tu me crois pas, hé t’vas voir ta gueule à la récré.
Michel a soufflé pour éteindre les chandelles.
Il s’y est repris à 3 reprises, mais il a fini dans un sursaut et dernier souffle par toutes les éteindre. Trois ont tenues jusqu’au bout, ont vacillées, se sont pliées, n’ont plus briller.
On chantait « Joyeux Anniversaire », depuis l’entrée vedette du gâteau, et là ça a été les Ouais, les Wouah dans le noir.
La grande sœur a rallumé les lumières, on a ouvert.
Michel était devenue la Star.
La Star de ce nouveau jour. « Happy Birthday »,
sur l’air connu de Stevie Wonder, 10 ans arrière..
Et si tu me crois pas hé t’vas voir ta gueule à la récré.
J’ai tendu à nouveau mon verre pour l’alcool.
Là on voyait que c’était la fin.
Le verre avait changé, sorti de buffet, aux portes vitrées.
Plus fin, plus beau, pour le digeot.
Peu importe le flacon pourvu qu’il y ai liesse et ça avait grimpé dans les degrés.
C’était devenu beaucoup plus fort. Là ça remuait, même le gosier, ça le brûlait.
C’était pas bien, pas très sain, assez malsain, on n’est pas des saints…
Je n’en ai jamais vu d’ailleurs à vrai dire, moi gamin, des Saints. Même un. Un seul de Saint.
T’ faut un dessin ?
Ni chez les copains, ni chez les voisins, ni sur tous les terrains, dans les bouquins…
J’avais peur aussi de me faire engueuler par mes parents.
Pour manger le gâteau, tout le monde est sorti de table pour aller se poser sur la grande banquette où sur les chaises ou les deux fauteuils.
J’ai suivi, on m’a invité à aller dans le grand fauteuil. C’était le plus beau.
Je crois bien que c’était celui du père.
Ça m’a fait bien plaisir et ça m’a rendu fier.
Le père au milieu sur le canapé, il a pris un moment Maria par le bras et l’a fait se poser sur ses genoux.
D’une façon un peu forte.
Il a commencé à lui masser le dos, puis les épaules,
Il lui a même pris en mains d’un coup ses seins. Pour rigoler. Le vilain. Le salaud.
En bougeant les mains, et en palpant, en mal aimant
Elle, elle riait, elle souriait, et mollement elle se débattait.
Elle bougeait et y revenait, radieuse, heureuse aussi songeuse. Vraiment une Gueuze.
J’étais dégoûté. Quel enfoiré. Ce vieux pépé. Je voulais le baffer.
Ce pervers Portugais. Mais qu’est-ce qu’il faisait ici cet étranger ?
Moi d’habitude, pas méchant, ni raciste pour un sous, moi toujours le cœur sur la main, et toujours
la main sur le cœur, et ça m’écœuré, j’étais devenu mauvais, envie de jeter des coups de pied, et de frapper, de le faire lever et de le claquer cet enfoiré de mes deux là.
Il faisait ça, sourires baveux et rires graveleux, il faisait Ho Ho, Ha Ha, Hi Hi.
Et elle Hi Hi. Plus trop jolie.
La mère, aussi elle en riait. Très fort. Ça rajoutait dans le sale effet que ça me faisait.
Je crois que tout le monde était un peu bourré. Les vannes lâchées, le courant lancé.
Mais là, c’était un geste de trop. Vraiment trop déplacé.
Et plus fort que l’alcool, c’était là, la goutte d’eau qui avait débordé, qui m’avait écœuré.
Et le trop plein m’avait noyé, même du mal à respirer.
J’ai préféré me lever. J’ai dit que je devais rentrer. M’en suis allé, sans me retourner.
En plus à la maison, le pompon, je me suis fait engueuler.
Et je n’avais plus le droit du tout de lui parler, de leur parler à toute la famille.
Même à Maria. Amen.
C’est pas pour ça, en fait je faisais surtout ma sauce à moi, sinon c’était pauvre de moi,
mais j’ai mis un peu de temps à lui reparler au Michel.
Mais l’amitié, on a beau dire, on a beau faire, c’est bien sacré.
Et puis j’avais aussi trop envie de lui faire mes aveux à Maria.
Marco O’ Chapeau le 19 novembre 2021
c’est quand même une drôle de famille
où l’on se permet de tripoter les petites filles !!
C’est presque du Emile Zola !!! cela chante l’ancien temps..