Petite fable affable Le Roger est tourneboulé : son seul fils, N’aime pas sa ferme, riche de maïs, Ni les durs travaux des champs, pourquoi le nier. Il s’en ouvre à son père, qui fut ânier, Homme des plus sages qui l’a fait prospère. L’Ancien qui vit sous son toit toujours tempère Et rassure son rejeton ; il se joint Et sans tintouin, à son labeur, si besoin. Deux semaines plus tard, Roger interpelle Son géniteur : son fils, prenant pioche et pelle, En bleu de chauffe, avec aux lèvres un chant, Lui dit reprendre exploitation, champs Et bêtes, plus tard. Son humeur si changeante Ne peut, seule, expliquer parole obligeante Et revirement. L’ânier a-t-il agi Pour que son fils se soit ainsi assagi ? « Se peut !… fit l’Ancien avec un air de mystère. – Comment ? Moi je lui ai parlé très terre-à-terre, Puis l’ai menacé et même, un jour, puni D’une obstination valant pour moi déni. – Et tu n’as rien obtenu de cette mule ! – Rien que mots durs et fort blessantes formules. | – J’ai vu, à la fête, que ton sarrasin De fils en pinçait pour la fille au voisin. Elle n’était pas insensible à son charme Et je crois qu’elle lui a rendu les armes… Dans ces festivités, les hommes boivent trop, Les femmes ont la langue qui va au trot, Les vieux, eux, regardent s’amuser ce monde, Apprenant tout sans demander à la ronde. Il y a cinq jours, je suis allé causer Au grincheux d’à côté. Hélas, j’ai osé Lâcher ce que j’avais vu et su : ce pingre S’est emporté mais si sa garce, malingre, Marie ton fils il arrondira son bien, Comme elle son ventre… Alors pense combien Il a dû sermonner sa progéniture… Elle a dû dire à son aimé la nature Des propos de son vieux si bien renseigné. Et voilà ton fils prompt à, ici, régner. – Mais papa, c’est odieux, machiavélique,… – Ce n’est pas moi qui ai fauté ! dit, angélique, Le vieillard dans un rire : “À cheval donné, On ne regarde ni les dents ni le nez” ! » Bien que par ce tour, ses affaires s’arrangent, Le coup joué par son père le dérange. Ce dernier l’interrompt : « Comment mène-t-on Un âne, fiston ?! – Par la voix et le ton, Répliqua-t-il, en colère, au patriarche. – Parfois, pour les dociles, j’avoue, ça marche ! – Avec une carotte ! – Oui, le plus souvent ! – Par le bâton – Rarement ! C’est énervant Mais, tu peux m’en croire, les plus fortes têtes Ne sont pas les plus solides, chez les bêtes, Las, comme chez l’Homme ! ajouta notre ânier – Mais tout ça n’a rien à voir, sans picanier, Avec le vice de ta ruse chouanne ?! – À voir ? Fit l’autre avec le regard qui luit : On ne fait jamais mieux avancer un âne Qu’en plaçant une belle ânesse devant lui ! » © Christian Satgé – février 2015 |
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Merci Christian pour ce moment de plaisir, très beau texte, très bien présenté et magnifiquement illustré , une réflexion à méditer
Agréable journée
Mes amitiés
Fattoum.