Le lézard et la vipère – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Du chant du coq à celui du cygne,
Ce moins que serpent, ce plus que ver,
Ce lézard commun en habit vert,
Ce vil ventre-creux, des plus insignes,
Se fatiguait à ne rien faire
– Pour paresse et sieste il s’affaire ! –
Quand la plupart de nous perd son temps
À vouloir en gagner plus qu’autant.
 
Il vivait en pays de cocagne,
Celui où plus tu dors, plus tu gagnes,
Notre chevalier des éboulis,
Sans souci et sans peur, amolli.
Matin, vint à lui une vipère
Qui morgua cet indolent pépère,
Ce manant, seigneur des trous du mur,
Inutile et fat, c’est plus que sûr.
« Chacun, ici, se crève, et en crève,
Fit son hôte, pendant que je rêve.
En quoi est-ce moi qui aurais tort ?
Tu fis métiers, rampeur retors,
Et n’en retiras que des misères.
Tu n’as pas plus que moi, pauvre hère,
Faisant, je sais, lit de tout rocher
Et ventre de la moindre bouchée. »
 
En vains mots, sales et malsonnants,
Le serpent maudit l’impertinent
« J’ai rôle en ce monde, je t’assure :
À chaque vipère, une mort sûre !
J’ai donc, ainsi, une fonction
Et quant à toi demi-portion ?
Persifla-t-il en levant la tête,
Franchement tu ne vaux pas tripette !
 
– Qui déprécie oppresse, en censeur,
Et qui méprise opprime, ma sœur !
Je ne suis rien… mais je suis ! Pour l’heure
Cela me suffit : la gloire est leurre
Et le pouvoir, souvent, passager.
Parles-en à un peu plus âgé ! »
Enchifrenée, Vipère veut mordre
L’autre qui fuit pour faire bon ordre.
 
« La vie est une salle de jeu
Où chacun ne fait que ce qu’il peut,
Lui dit-il avant de disparaître,
Quoi que tu dises avoir ou bien être,
Moi, toujours, j’y fais ce que je veux.
Qui peut prétendre, au-delà de vœux,
Faire mieux ?!… Pas une vipère
Ne pouvant pénétrer mon repaire ! »
 
 
© Christian Satgé – mars 2015
 
 
 
 

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

4 réflexions au sujet de “Le lézard et la vipère – Christian Satgé”

  1. Bonsoir Christian, très bel écrit et magnifique déduction bravo:
    « La vie est une salle de jeu
    Où chacun ne fait que ce qu’il peut,
    Lui dit-il avant de disparaître,
    Quoi que tu dises avoir ou bien être,
    Moi, toujours, j’y fais ce que je veux.
    Qui peut prétendre, au-delà de vœux,
    Faire mieux ?!… Pas une vipère
    Ne pouvant pénétrer mon repaire ! »

    Mes sincères amitiés
    Fattoum.

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