La misère et la maraude
J’avais attrapé la misère
du côté de la Goutte d’or
Elle avait grignoté mes rêves
crevassé mes doigts
gonflé une bulle d’indifférence
autour de ma dépouille
Elle sentait l‘humus et la mort
dans l’hiver bleuissant
des nuits sans étoiles
elle s’étalait sur le sol
comme une mauvaise réussite
Pourtant j’étais cariste
j’avais dans mes mains
l’acier des machines
pour déplacer le monde
Pourtant j’avais Virginie
elle était si belle
que mes palpitations
chérissaient son corps
à en oublier de vivre
Pourtant Pauline ma fille
avec son babil de mésange
et le précieux de ses mains
tricotait des rangées de douceur
J’avais attrapé la misère
et les vapeurs hostiles
des mauvais alcools
et les cabanes en carton
pour garder le chaud
et les dents qui tombent
en oubliant de faire mal
et les petites pièces
souvent orphelines
et les passants qui fleurent bon
les pauvres parfums
et qui marchent vite
la tête dans les nuages
pour oublier la honte
et mon odeur indiscrète
Ce soir elle est venue
avec son café
diamant noir de la nuit
avec la douceur en papillotes
avec les mots caressants
du beau monde
avec du pain blanc
et du jambon rose
Ce soir elle est venue
dernier gardien de phare
sur la route des déserts amoureux
elle est venue
elle a osé me toucher
elle a prononcé mon nom
je l’avais oublié
dans les eaux profondes
de mes vagabondages
Elle maraudait du côté de Pigalle
elle était venue pour moi
juste pour moi
pour moi
Christian DUMOTIER
Profond! Quel beau partage. Heureusement que ces maraudes existent, heureusement que des hommes et des femmes aient encore cette douceur en papillote, heureusement qu’ils aient encore un peu d’humanité. Merci.
Bonjour beau émouvant touchant écrit avec justesse des mots bien choisis bravo
Bon et doux weekend amicalement
Splendide, si bien écrit.
Puissant été beau. Merci et bravo pour ce texte si fort qu’il vaut bien des témoignages…