Lors de chaque carême me revient à l’esprit un dialogue avec la jeune bibliothécaire de la grande mosquée de Paris. En effet, je lui avais prêté un livret sur le carême et nous avons parlé des similitudes entre carême et ramadan. Trois des 5 piliers de l’Islam se retrouvent en effet à la fois dans le ramadan et dans le carême : prière, jeûne et partage.
Nous avons donc cherché ensemble les différences dans les textes scripturaires. Elle seule les parcourait à la grande mosquée car les hommes se contentaient du discours rapporté, ce que l’on nomme le téléphone arabe. Elle suivait à la lettre ce qu’elle appelait les textes orthodoxes de l’Islam et, de ce fait se trouvait rejetée par l’ensemble des hommes de la grande mosquée à double titre : coupable d’être femme et de plus femme érudite.
Lors de cet échange, cette bibliothécaire diplômée mit en avant la distinction entre la lettre et l’esprit, comme on la retrouve dans les lettres de saint Paul. Les hommes croyaient suivre à la lettre les préceptes du Coran, mais en fait, ils en ignoraient l’esprit et vivaient un contre témoignage permanent. Par exemple ils croyaient rendre gloire à Allah en priant pour la mort des autres branches musulmanes et pour la destruction des états où elles étaient dominantes. Parallèlement, ils proclamaient que la femme n’avait aucune place dans la vie musulmane, aussi les femmes de la grande mosquée se retrouvaient recluse à l’entresol car interdites d’entrée dans la salle commune (interdiction stricte jusqu’en 2013).
Nous avons donc partagé sur ces trois piliers communs au carême et au ramadan pour en comprendre l’esprit : prière, jeune et partage. Il faut les comprendre comme une globalité, chaque pilier trouvant son sens dans le lien avec les deux autres. A l’inverse, disait-elle, de ses imams qui
jeunaient toute la journée pour pouvoir festoyer le soir avec l’impression d’avoir changé la face de leur monde. Nous avons retrouvé dans le Coran et dans la Bible l’esprit de ces 3 piliers : jeûner pour prier qui est de partager davantage, par tous nos moyens. D’ailleurs le commandement biblique dit d’aimer Dieu et ses frères de tout notre cœur, de tout notre esprit et de tous nos moyens. On y retrouve donc les 3 piliers et ces moyens évoquent donc aussi les moyens financiers du partage.
En toute chose il serait judicieux de se poser la question suivante sur ce qui mène nos pensées, nos paroles et nos actions : est-ce la lettre ou l’esprit ? Souvenons-nous que selon saint Paul, la lettre tue (elle tue le sens), mais l’esprit lui vivifie. Ne dit-on pas que certaines bonnes intentions sont restées lettre morte ? La lettre, trop souvent, divise (entre doctrines par exemples) alors que l’esprit unit. Lors des assemblées religieuses ou humanitaires, on entend souvent « dans l’esprit qui nous rassemble ».
L’enjeu en vaut la chandelle car un discernement mal appliqué nous conduit à ce que l’on appelle péché par omission : en toute bonne conscience, je n’ai pas fait tout le bien que j’aurais pu faire. Le carême me semble l’opportunité pour remettre à l’heures toutes nos horloges : celles de nos montres et celles de notre tréfonds. Dans le meilleur esprit.
Je vous souhaite donc une bonne remise à l’heure de vos horloges intérieures.