La brume du matin – Christian Satgé

Cycle pyrénéen

Le froid transit les bras immobiles
De l’arbre amputé de ses atours,
Engourdit même les plus habiles
Des êtres qui font, là, un détour.
De la mort d’un jour sans contour
Jusqu’à l’agonie, toute impavide,
De la nuit,
Sans bruit,
Des draps s’accrochent au vide,
Des lambeaux de linceul pendent aux tours,
Engloutissent le décor, avides.

Envahie par les orties du temps,
La terre du val fume une brume
D’écume, fantôme déroutant
Qui se meut, jamais ne se consume,
Léger, dans son costume posthume.
Au cœur vaporeux d’un chemin creux.
Des fougères,
Étrangères,
Se noient dans ce voile langoureux,
Perdues dans un vieil amas de grumes
Auquel s’adosse le jour peureux.

La chair limpide de l’air livide
Estompe le proche et le lointain
Et le vent humide, las, n’évide
Pas les nues où le soleil s’éteint
Et déteint, s’accroche au ciel sans tain.
En duvet diaphane, en blanches plumes,
L’horizon,
En prison,
Dans les rets et les lacs de la brume
Qui a envahit ce frais matin,
Sait que les cieux essoufflés s’enrhument.

Seul, aux racines du jour, longtemps,
Le vent retient son souffle, immobile,
Dans le silence de pénitent
Qui enveloppe tout, indélébile,
De pâles volutes volubiles
Errant dans la combe et alentour.
Messagères
Passagères,
Les larmes de l’aurore, à leur tour,
Figent en colliers de perles labiles
La fraîcheur gommant le chant des tourds.

*

© Christian Satgé – décembre 2011

Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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10 Commentaires
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Marc-Yvan Custeau
Invité
15 décembre 2020 8 h 54 min

Bravo Christian pour ce magnifique texte qui rend justice aux beautés des brouillards. Me suis permis d’en reproduire un passage pour accompagner une photo mienne, sur mes pages Facebook, en vous en attribuant le crédit bien sûr.

Marc-Yvan Custeau
Montréal, Québec

P.S. : sans vouloir vous vexer et entre puristes, “envahi” s’écrit sans “T” au passé composé.

Invité
14 juin 2018 9 h 40 min

Quelle belle évasion !merci!

Nordine Chebbi
Invité
Nordine Chebbi
14 juin 2018 8 h 54 min

Bravo Christian pour ce beau poème. J’ai bcp aimé. Continue à nous charmer.

Marie Combernoux
Invité
Marie Combernoux
14 juin 2018 3 h 20 min

Bravo Christian, une réussite, on se noie dans les vapeurs de la brume, on est enveloppé de vapeurs et d’écume, et on sent l’humidité ambiante qui nous pénètre. Merci pour ce poème ravissant et enveloppant ! MARIE

Invité
14 juin 2018 0 h 57 min

Bravo Christian très bel et touchant écrit
Douce nuit
Mes amitiés
Fattoum.