LXI –Irène et Entre-Jeunes
Cette belle aventure semble aujourd’hui complètement surréaliste car elle prit naissance en 1976, avant le siècle de la multiplication des réseaux sociaux. Tout est parti d’une seule femme qui se faisait appeler Irène. Cette journaliste de l’hebdomadaire Le Pèlerin animait la rubrique du courrier des lecteurs qu’elle avait baptisée Entre-Jeunes. Irène avait l’âge d’être la maman de ces jeunes lecteurs, mais son cœur était d’une verdure irréprochable. Un grand sens de l’écoute et du conseil, sans oublier son projet de sortir ces jeunes lecteurs de la solitude qui transparaissait en filigrane dans leurs courriers postaux (16 ans avant la naissance des courriels).
Elle définissait Entre-Jeune comme un courant d’amitié, mais ce mot résonnait pour elle comme solidarité. Son charisme engendra un imprévisible effet boule de neige et son courant d’amitié s’étoffa en exponentielle de semaine en semaine. De cette belle complicité naquit le projet d’oser initier une rencontre et de créer des liens. Parallèlement naquit un bulletin Entre-Jeunes, moyennant une adhésion à un prix symbolique.
Les premières rencontres furent locales, mais nécessitèrent bientôt que se proposent des coordinateurs régionaux. Se développant à vitesse TVG, Irène devint non seulement coordinatrice nationale mais internationale car son courant avait essaimé sur les 5 continents. Les ondes diffusèrent largement l’information d’un grand rassemblement d’une semaine à Sarlat, en Dordogne.
Le thème de cette rencontre me parlait initialement peu : Oser plus pour vivre plus. Je m’y suis rendu avec mon amie Nathalie dont la mère avait entendu l’annonce sur Radio Notre Dame. Etant arrivée avant l’ouverture du Collège saint Joseph qui devait nous accueillir, nous avons rejoint un groupe d’EJ (on s’appelait ainsi entre nous) en train de siroter une petite bouteille de Pampryl au café du coin. Il y régnait une ambiance de cour des miracles. Je me souviendrai toujours de mon premier regard sur tous ces visages qu’on ne croise pas si souvent, dont Francine qui avait reçu une décharge de chevrotine en pleine figure et qui avait un œil et une joue éclatés et Jean-Marie
le fermier de Commercy qui ressemblait à un chanteur de ZZ Top avec sa longue barbe et son bleu de travail etc. Tous chantaient des chansons bon enfants piochées dans leur petit carnet jaune que tous tenaient à la main. Jean-Marie était un champion pour chanter et faire chanter La fleur du pommier en tapant dans ses mains en décalé et en dédoublant ses claquements de paumes avec de sonores Hé hé. « Elle va se faner Hé Hé La fleur du pommier Hé Hé… ».
Lorsque les portes du lieu de rassemblement s’ouvrirent, nous n’avions tous qu’une attente : rencontrer Irène en chair et en os.
Celle-ci était devenue invisible, coincée entre les bénévoles attablés autour d’elle pour valider les inscriptions et donner le livret de bienvenue aux arrivants. Toute la semaine, nous avions navigué entre la chapelle et la salle de conférence où nous entendîmes des sommités comme Jean Vanier, Jean Boissonnat, Noël Copin et le père Denis Sonnet. L’ambiance festive était palpable : ici et là, des visages grimés, des EJ déguisés en costume régional. D’ailleurs je peinais à imaginer Régis en « civil », sans nez de clown ni perruque rousse ! Peu à peu, nous avions tous mieux compris le sens du thème de cette semaine inoubliable, et c’est collectivement que nous avons répondu à l’appel de vivre plus : plus nombreux, plus libérés, plus solidaires…
L’esprit d’EJ étant la solidarité, Irène et un comptable bénévole établissaient une péréquation pour que tous puissent venir, ce qui engendrait un montant total similaire pour tous couvrant le trajet et l’hébergement.
Ce grand rassemblement national créa de solides liens amicaux, rapprocha les EJ de chaque région et suscita des vocations de coordinateurs régionaux, nous étions déjà une poignée pour l’Ile de France. De nombreux témoignage émaillèrent le bulletin EJ suivant l’évènement. Irène proposa aux équipes coordinatrices de préparer le rassemblement international pour les 10 ans d’Entre-Jeunes qui se déroulerait à Strasbourg. Les responsabilités furent partagées selon les compétences des uns et des autres : Jean-François pour la gestion hôtelière, Régis pour l’animation et l’équipe des coordinateurs parisiens pour la création d’un long montage audiovisuel de 256 diapositives avec autant de musiques sur le thème de l’amitié, en partant de celui de la solitude et en finissant sur Entre-Jeunes, comme de bien entendu. Une délégation de notre équipe se chargea du choix et de l’achat
du cadeau pour remercier Irène. Durant trois ans, tous les coordinateurs assurèrent un véritable travail de fourmi récompensé par une formidable semaine de retrouvaille nationale et d’accueil d’EJ venus d’autres horizon, tel Emilson arrivant de Madagascar. Strasbourg fut comme un Sarlat puissance 10, avec des shows régionaux costumés aves chants et danses, des intervenants passionnants, dont certaines sommités déjà présentes à Sarlat, et surtout le partage du gigantesque gâteau d’anniversaire devant lequel nous avons interprété ma version de J’ai dix ans. Il faudrait un livre 
entier pour faire percevoir dans le détail la réussite de ce pari lancé et réussi par Irène. 25 ans après, je suis certain que tous les EJ ont encore un moment privilégié de ce rassemblement historique dans la tête ou dans le cœur. Je viens de lancer sur les réseaux sociaux un appel non pas au rassemblement mais au partage de nouvelles des uns et des autres. Il suffit de taper le hashtag EJ ou Entrejeunes. J’y ai adjoint le nom de famille des EJ ayant marqué les mémoires.
Oui, réellement, EJ, fut une magnifique histoire d’amitié qui a devancé tous les réseaux sociaux et qui se vivait dans le concret et dans la vérité, et non dans les apparences. Encore Merci à Irène, où qu’elle se trouve aujourd’hui.
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Quelle joie de plonger, un peu par hasard ?, dans cette bouffée de souvenirs…oui moi aussi “j’y étais”… quelques mois…mais des mois tellement riches !
Merci Jean-Marie pour ce bel article que je découvre ce soir,ayant trouvé une page dédiée à Entre-Jeunes dans le numéro collector des 150 ans du Pèlerin,j ai recherché des informations et suis arrivé sur votre site.Je n ai pas participé aux grandes rencontres nationales mais j ai participé et animé des rencontres régionales.Toujours une grande joie et de belles rencontres..
Effectivement Irène était rayonnante.
Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année,et un joyeux Noël
Jean-Paul.
Bonjour Jean Marie…je me souviens bien de toi! EJ… J’y étais et j’y suis toujours! Nous voulons refaire une Rencontre nationale en 2023 avec tous les EJ qui le souhaitent même si nous avons plus près de 60/70 ans! Annick de Normandie!
Quelle histoire extraordinaire ! Irène , avec une immense générosité, a permis la rencontre de dizaines de jeunes qui ont pu développer une amitié sincère et chaleureuse! Bravo à cette grande dame et merci Jean-Marie, de lui rendre ce si bel hommage! ..et quelle excellente idée Jean-Marie, de lancer un appel au partage de nouvelles par un hashtag!