Il était une fois une rivière – Saber Lahmidi

Nous avons perdu le bonheur d’une rivière
Perdant ses souvenirs, son charme et sa valeur
Un grand cadavre fait de cailloux et de pierres.
Qui a perdu son long chemin et sa saveur.

On a perdu l’oued qui a tout peint en vert
Sur ses rives, près des palmiers et dans nos cœurs.
Le temps recule et les jours deviennent amers
Puis la verdure a laissé sa place à l’horreur.

Tout est gris, tout est jaune au bord de la rivière
Qui a pris sa valise et a quitté Tozeur
L’eau s’est évaporée et reste le désert
Les larmes taries, ce sont que nos cœurs qui pleurent.

L’été nous torture et l’automne nous conquiert
Cinquante degrés et plus à l’ombre à Tozeur
Le printemps est absent et s’excuse l’hiver
Il fait très chaud! il n’y a pas d’ombre à Tozeur!

Regrets, gémissements, ténèbres et poussières
Un destin au rythme des chagrins et des pleurs
Le ciel est triste et ses gouttes sont en colère
Cœurs confus, visages pâles, faim, soif et peur.

Les gens ; des loups, des bêtes se mangent la chair
Coups qui viennent d’ici sûrement et d’ailleurs
Mains liées dans les menottes de la misère
Et le mal prend racine à partir du malheur.

Les mains liées et les pas vers le cimetière
Il n’y a que des cimetières à Tozeur
S’évader d’un paradis devenu enfer,
Je vous parle du rien qui s’appelait Tozeur

Les palmiers ne meurent que debout à Tozeur.
Quant aux fugitifs, les ennemis des lumières.
Qui ont été maudits, devenus visiteurs
Hélas ! le paradis, Ras Al Ain et son air.

Au revoir, oasis, au revoir, ma rivière !
Des années sèches qui produisent des chômeurs
Au revoir, oasis, au revoir, ma rivière !
Ici, les cauchemars avalent les rêveurs.

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Saber Lahmidi

Saber Lahmidi (161)

Médecin et poète tunisien, Saber Lahmidi conjugue les langages du corps et de l’âme dans une écriture profondément humaniste et symbolique. Né à Tozeur, aux portes du désert, il puise son inspiration dans la lumière du Sud, les palmiers de l’oasis, et les silences du sable.

Auteur de plusieurs recueils poétiques bilingues (arabe-français), dont « La lumière m'entoure » et « Quand l’amour devient vers », il explore les thèmes de l’exil, de l’amour sacré, de la mémoire, et de la quête de soi. Sa plume navigue entre philosophie et émotion, entre le murmure d’un vers et le cri d’un monde intérieur.

Membre actif de Plume de Poète depuis 2020, il partage ses écrits comme autant d’éclats d’humanité, croyant en la poésie comme espace de guérison et de transcendance.

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4 Commentaires
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Claudine Bazoge
Membre
12 juillet 2023 22 h 23 min

Bel hommage à la nature qui s’efface. Repoussons les cauchemars, continuons de rêver, semons les graines de l’espoir qui feront couler l’eau dans les lits asséchés.

Invité
30 juin 2023 21 h 51 min

Un texte qui ne peut laisser indiffèrent:

La Nature est en feu, les fleuves sont à sec
Mais la Terre saura rendre toutes douleurs
Même si de nos liens, nos corps compris avec
En ces jours d’aujourd’hui nous ne sommes que pleurs!
Alain77

Colette Guinard
Membre
30 juin 2023 19 h 52 min

l’eau des rivières comme ailleurs a disparue, la terre se meurt !Amicalement Colette Guinard