– Lepoussin !…Oh !
– …
– Hey Lepoussin, envoie le ballon !
– …
– Non mais tu te fous de moi ? T’es sourd ou quoi ?
– …
– Ok, compris, tu veux que j’me déplace c’est ça ? J’arrive.
Marlon Bonnaud. La terreur de l’école primaire de Champagnac-les-trois-Fontaines. Chef de bande craint et respecté par tous les élèves. La cour de récré, c’est son territoire sur lequel il règne en maître en cette année 1976, comme les années précédentes d’ailleurs.
Il n’aime pas qu’on lui résiste, Marlon. A 11 ans, c’est déjà un dur. La preuve : il redouble son CM2. La récréation devrait être un moment de détente pourtant. Impossible pour les quatre-vingt gamins de l’école qui passent leur temps à l’éviter. Tous rasent les murs et surveillent leurs arrières car Marlon a toujours un mauvais coup en tête à faire à celui, ou celle, qui manquerait de vigilance. Il fait l’unanimité le caïd, contre lui. Les membres de sa petite bande le craignent tout autant.
Il est plus grand que les autres, costaud et fort comme un Turc, le cheveux ras et roux avec une couette ridicule tombant sur sa nuque de taureau. Même les professeurs s’en méfient.
Marlon profite sans doute de son statut enviable et protégé de fils de Jean-Claude Bonnaud, le Maire de Champagnac…
*
Il s’approche d’Hector à grandes enjambées, en retroussant ses manches, l’air furibard. Il n’a jamais supporté cet être chétif et timide qui ne parle à personne, ne joue jamais, qui est toujours assis devant près du tableau, comme tous les premiers de la classe.
Hector Lepoussin, c’est le genre renfermé, pas souriant, discret, sans personnalité. Ça doit venir de son père, l’impressionnant Robert Lepoussin, chef de la brigade de gendarmerie de Champagnac, un bonhomme costaud, rondouillard et moustachu qui parle très haut et qui ne rigole pas à la maison. Hector, maigre, de petit gabarit, blond avec de longs cheveux raids et aux immenses yeux bleus qui ont toujours l’air inquiet, est fils unique et son père ne veut pas qu’il passe son temps à s’amuser avec les copains. « Va travailler ! File dans ta chambre ! Prends un livre ! » C’est tout ce qu’il sait lui dire à Hector.
Marlon s’en moque de tout ça, ce qu’il voit en Hector, c’est le fils de gendarme et lui, il déteste la marée-chaussée
Du coup, Hector passe son temps seul. Il a appris à aimer les livres à force d’ennui et ça c’est bien car maintenant, grâce à tous ces romans d’aventure qu’il a ingurgités, il peut voyager dans sa tête et jouer au grand héros fort et téméraire.
Hector, des fois, il est Robinson Crusoë sur son île déserte, essayant de survivre et d’autres fois, un mousquetaire protégeant la Reine et portant le fer dans la chair de l’ennemi. Il s’amuse bien tout seul en rêvant de trésors, de batailles, de longues courses sur les mers du Sud. C’est tellement mieux que son triste quotidien.
Il vit tellement dans sa tête qu’il en oublie de grandir. Il est pâle comme un croque-mort et tous les autres de son âge le dépassent d’au moins une tête. On le considère comme « l’intello du CM2 » et parmi ses pairs, ce n’est pas forcément un compliment !
Alors voilà, Hector est tout seul avec ses héros de romans et, à l’école, personne ne joue avec lui. Pourtant, quelques fois, secrètement, il aimerait bien avoir des amis mais, quand il observe ses congénères, il n’en trouve pas un avec qui il pourrait peut-être s’entendre. A qui pourrait-il se confier, parler de ses héros qu’il admire tant ? Non, décidément, il ne voit personne qui en serait digne.
Sauf une. Julie. Elle est si belle ! Hector passe son temps à l’admirer, de loin, discrètement. Bonne élève, brune aux longs cheveux moirés, jolie comme un coeur, nez mutin, de grands yeux sombres, intelligents et francs, un peu plus grande que lui. Mais il est trop timide pour l’approcher. Jamais il n’osera et il la regardera toujours de loin, sans qu’elle s’en aperçoive, c’est mieux comme ça. Il se rend à l’école avec plaisir juste pour la voir, aux heures de récréation car en classe, elle est assise derrière lui et il n’aura jamais l’audace de se retourner de peur qu’elle ne découvre ses sentiments. Et puis ce serait très dangereux pour lui car Julie a un défaut : c’est la préférée de Bonnaud.
Hector n’a pas entendu l’interpellation de Marlon. En ce moment, il combat à mains nues un serpent de mer à douze têtes. Une bourrade dans le dos le fait basculer contre le grillage de l’école et le ramène brusquement à la réalité.
– Alors face de rat, on n’entend pas qu’on l’appelle ? Môssieur rêvasse, môssieur est trop intello pour s’intéresser au foot?
La cour s’est arrêté de vivre. Les autres élèves ne perdent pas une miette de l’incident. Chacun tremble pour Hector tout en se sentant soulagé de ne pas être à sa place…
– Hein ? Quoi ? répond Hector en essayant de retrouver une position verticale.
– Hein, quoi, reprend Bonnaud en écho en imitant la voix fluette du pauvre Hector, je te demande de me passer le ballon et tu fais comme si t’avais pas entendu ?
– Par…pardon, j’ét…j’étais ailleurs…
Hector ramasse fébrilement le ballon et le tend au chef de bande. Celui-ci se garde bien de tendre la main, exprès pour l’humilier un peu plus. Il fixe sa victime comme un prédateur sa proie, sachant que tous le regardent. Marlon aime bien qu’on le regarde et qu’on le craigne.
– Ben dis donc, au lieu d’être le premier de la classe, tu ferais mieux de te nettoyer les oreilles, abruti ! Allez dégage de là, je veux plus te voir dans mes pattes.
Hector ne se le fait pas dire deux fois, trop heureux de s’en tirer à si bon compte. C’est d’ailleurs la fin de la récréation, une chance ! et tout le monde retrouve sa place dans la classe pour la leçon de grammaire.
Dommage, Hector n’a pas vu le regard plein de pitié que lui a lancé Julie.
**
Enfin c’est mercredi ! Pas d’école aujourd’hui. Hector va pouvoir finir le Comte de Monte-Cristo tranquillement installé sur son lit. Et cet après-midi, se dit-il, j’irai faire un tour de vélo dans la forêt. Papa s’occupe de coincer les chauffards sur la nationale et maman va voir sa soeur. A moi la liberté ! Hector adore ce moment de liberté où il peut faire ce qu’il veut. Il n’est pas le genre à faire des bêtises, à quoi bon quand on est tout seul ? Aussi, ses parents lui font confiance et ne craignent pas de le laisser sans surveillance.
L’après-midi donc, Hector plonge dans son roman, sans doute le meilleur Dumas pense-t-il. Puis, histoire de se dégourdir les jambes et de profiter du beau soleil de mai, il enfourche son vélo Mercier et s’enfonce dans la grande forêt communale de Champagnac. Il pédale tranquillement, s’enivrant des parfums printaniers, coursant les papillons légers, admirant les grands hêtres fiers qui l’ignorent superbement. Hector se sent bien dans la nature, presque aussi bien que dans ses livres.
Il allait au hasard des chemins quand soudain, des rires proches le font s’arrêter tout net.
– Tiens ! il y a quelqu’un dans cette forêt ? conclut-il en bon petit Sherlock Holmes qu’il est. Et si j’essayais de les espionner ? Hector se prend pour le célèbre détective de Sir Arthur Conan Doyle.
Doucement, il descend de son vélo, le cache derrière un bouquet de fougères et se dirige silencieusement, comme un sioux, vers l’endroit où il croit avoir entendu les rires. Enfin, en rampant, le jeune aventurier arrive au pied d’un énorme chêne. Il lève la tête, lentement, écarte une touffe d’herbe et découvre une petite clairière à quelques dizaines de mètres, loin d’être déserte à cet instant.
– Bon sang, la bande à Bonnaud ! lâche-t-il presque malgré lui, mais qu’est-ce qu’ils font là ?
Outre Marlon, Hector voit aussi ses fidèles « serviteurs » : Damien Plancher, son bras droit, Pablo Fernandez, le plus jeune, il est en CM1 lui. Il y a aussi Nathalie (c’est quoi son nom déjà ? se demande Hector) et Hervé Delage, presque aussi brutal que son « patron ». Mais celle qui stupéfait le plus notre espion en herbe, c’est celle qui lui fait battre son coeur plus fort dès qu’il la voit : Julie. La belle Julie Dutilleul. Il préférerait qu’elle soit là à côté de lui, allongée sous le chêne…
Marlon tient quelque chose dans ses mains, une boîte métallique se dit Hector qui a de bons yeux. Cette boîte lui rappelle quelque chose mais ça ne lui revient pas pour l’instant.
Marlon Bonnaud s’accroupit et pose la caissette à ses pieds. Il prend son temps pour l’ouvrir devant ses amis qui font cercle autour de lui. Hector est assez près pour entendre ce qui se dit. Les voix portent loin dans une forêt profonde comme celle de Champagnac.
Hector transpire d’un coup et ce n’est pas dû qu’à la chaleur moite du sous-bois. Il sort son mouchoir et s’essuie le front avant d’avoir les yeux piqués par la sueur.
– Bon les gars, l’affaire a bien marché, déclare Marlon Bonnaud. C’était facile de piquer la caisse de la coopérative hier soir. J’ai compté l’argent, on va se le partager maintenant. Il y a 1421 francs 50. On est 6, ça fait 200 chacun.
– Dis donc Bonnaud, 1421 divisés par 6, ça n’a jamais fait 200. Le cours de maths porte sur la division en cette fin d’année scolaire.
C’est Damien Plancher dit la Tige, qui parle. Il est assez bon en calcul mental, sa mère est comptable au garage Renault de Champagnac.
– Parce que 1421 divisés par 6, ça fait un quotient de…
– Non mais Plancher, tu me fatigues avec tes calculs à la noix, le coupe Marlon. Si j’ai dit que ça fait 200 c’est que ça fait 200, un point c’est tout. Et puis d’abord, c’est moi qui ai eu l’idée, j’ai droit à un peu plus que vous. Je pouvais tout garder pour moi si j’avais voulu. Boucle-là, c’est moi le chef !
– Je te rappelle, ose ajouter Pablo, qu’on était avec toi hier soir, pour surveiller. On a pris autant de risque que toi, je te signale !
Marlon se relève, s’approche doucement de Pablo et subitement, le chope par son tee shirt. Il le fixe d’un regard dur, sans un mot.
– Enfin bon… je dis ça mais… c’est toi le boss Marlon. C’était ton idée c’est vrai.
– Lâche-le, fait Nathalie. Je crois qu’il a compris. 200 francs, pour moi, ça me va bien.
– C’est bon pour moi aussi, renchérit Julie. D’ailleurs, je peux laisser ma part. Je ne suis pas très fière de ce qu’on a fait. On risque d’avoir des ennuis. Et puis je ne suis pas une voleuse moi. Ça ne me dit rien d’avoir de l’argent de l’école dans mes poches.
Marlon lâche Pablo et se tourne vers Julie. Il est rouge de colère mais il se retient car il lui reste un minimum d’éducation et Julie est ce qu’on pourrait appeler « sa petite copine ». On ne frappe jamais une fille de toute façon, même avec une fleur lui a dit un jour son père.
– Julie, fait-il, essayant de ne pas crier, tu vas prendre ce fric. Tu es complice, que tu le veuilles ou non. Tu étais là avec nous. Il n’est pas question que tu ne prennes pas ta part, ce serait une trahison contre la bande.
Et, ce qu’il ne dit pas, c’est que si Julie prend l’argent, elle n’osera pas les dénoncer. Il a appris ça tout seul, tout s’achète, même le silence.
Plus un mot prononcé dans la clairière. Chacun tend la main vers Bonnaud qui distribue les parts. Même Julie la prend. Hector est désespéré. Il a de la peine pour elle, pour sa faiblesse vis à vis de Bonnaud mais comment lui résister ?
Hector est allongé dans l’herbe depuis plus d’une demi-heure. On a beau être au mois de mai, le tapis végétal est encore bien humide à l’ombre des grands arbres. Et Hector est fragile des bronches. Il sent une envie d’éternuer lui monter au nez. Il fait tout son possible pour se retenir mais soudain, c’est l’explosion, la déflagration, le raz-de-marée, la tornade nasale. Il ne peut plus s’empêcher d’éternuer, c’est plus fort que lui.
Dans la forêt, toute vie s’est tue. Plus de chant d’oiseaux, plus de bruissements. Les branches, les fougères, la moindre brindille, tout s’est figé. Incroyable comme un simple éternuement peut faire autant de bruit dans une forêt, comme si elle faisait chambre d’écho !
En deux secondes, Bonnaud est debout. Hector s’est raidi derrière son chêne. Pourtant, il faut bien qu’il débarrasse les lieux et sans traîner, sinon les autres vont le voir. Comment faire ? La panique l’envahit, il se sent pris au piège.
Vite, profiter de la surprise provoquée par l’éternuement. A trois, un…deux…trois. Hector recule en rampant comme il l’a lu dans un roman sur les indiens dont il a oublié le titre à l’instant. Pensant être suffisamment éloigné, il se retourne silencieusement, tournant le dos à la clairière et s’enfuit de toute la force de ses petites jambes. Où a-t-il caché son vélo déjà ?
– Y’avait quelqu’un, hurle Bonnaud, il faut le rattraper avant qu’il nous dénonce !
Hector n’a jamais couru aussi vite de sa vie ! Enfin il retrouve son vélo. Il a un peu d’avance sur la bande. Il espère qu’elle ne l’a pas reconnu. Son coeur va exploser, comme son nez tout à l’heure ! Il n’arrive plus à respirer, ce n’est pourtant pas le moment de s’évanouir. Hector connaît Marlon, s’il se fait prendre, il est capable de tout…Pédaler fort, ne pas tomber, ne pas se retourner. Fuir !
Hector roule à toute allure sur la petite route qui mène à la gendarmerie. Les papillons sont amoureux des fleurs mais lui ne le voit pas. Les oiseaux se passent le message : un petit humain est en danger ! L’air est doux, immobile mais il ne le sent pas. Il n’a qu’une idée en tête, aller trouver son père pour lui expliquer ce qui s’est passé.
– Mais j’y pense, mon père est sur la nationale en ce moment. Tant pis, je vais quand même à la gendarmerie. Il faut que je dénonce la bande à Bonnaud, c’est trop grave.
Cinq minutes plus tard, Hector pousse la porte et tombe dans les bras d’un gendarme qui allait sortir. Pendant ce temps, la bande à Bonnaud est toujours dans la forêt, à l’endroit où Hector avait caché son vélo. Marlon est fou de rage.
– Il faut savoir qui c’est, tempête le caïd, vous allez fouiller tous les alentours et trouver des indices.
– En tout cas, intervient la Tige, on sait que c’est quelqu’un qui a un tee shirt bleu.
Il tient un morceau de tissu dans la main, trouvé par terre un peu plus loin.
Et tout le monde se met à quatre pattes dans la végétation à la recherche d’indices supplémentaires. Julie Dutilleul croit savoir à qui appartient ce tee shirt mais elle se garde bien d’en parler aux autres…
Hector s’est précipité si vite dans les bras du gendarme qu’il n’a pas reconnu son père. Celui-ci vient juste de rentrer de sa mission du jour et s’apprête à rejoindre les copains de bistrot d’en face pour taper le carton et raconter ses exploits sur la nationale.
– Mais ça va Hector ? Qu’est-ce que tu fiches ici au lieu d’être à la maison à travailler ?
Hector est essoufflé. Il lui faut quelques instants pour se calmer avant de déclarer :
– Papa, jeviensdelaforêtjaivubonnaudetsabandeilsontvolélargentdelacoopérative delécole.
Il est blême, au bord de s’évanouir tellement son débit de parole est intense.
– Je ne comprends rien à ce que tu me racontes, s’impatiente son père, tu ne peux pas parler plus lentement, non ?
Hector essaie de se calmer et répète pour la deuxième fois ce qu’il a vu dans la forêt, en essayant d’être plus posé et plus clair.
– Non, pas possible fiston ! Tu lis trop de romans. Ça doit te monter à la tête.
– Mais, c’est vrai, je te jure, je les ai vus et puis j’ai éternué et je crois qu’ils m’ont vu.
– Non, incroyable ! fait Robert Lepoussin, ironique, tu penses peut-être que je vais avaler ton histoire ? Comment veux-tu qu’une bande de gosses cambriole l’école sans être vue ?
Le rouge de la colère monte aux joues du brave gendarme. Sa moustache, quand il parle fort, se plie comme un accordéon.
– Bon maintenant, tu remontes sur ton vélo et tu retournes à la maison. Ça suffit comme ça tes bêtises. J’ai des choses à faire moi. Non mais je vous jure, qui m’a fichu un gosse pareil ! Et le gendarme franchit l’entrée en laissant son fils planté là.
D’un seul coup, Hector se sent seul au monde. Des larmes lui montent aux yeux.
Il se sent incompris, déçu, frustré. D’une démarche d’automate, il sort de la gendarmerie, il n’a même plus la force d’enfourcher son vélo. Arrivé à la maison, il ne jette même pas un coup d’oeil à sa mère qui prépare le dîner. Il monte dans sa chambre, s’allonge sur le lit. Son menton se plisse, sa lèvre tremble. Un frisson lui traverse le corps, une grosse larme court sur sa joue et vient s’écraser sur l’oreiller. Hector voudrait mourir.
– J’ai trouvé quelque chose ! J’ai trouvé quelque chose !
C’est Nathalie qui vient de s’exclamer. Elle est penchée au pied du grand chêne qui borde la clairière près duquel Hector était couché tout à l’heure. Les autres membres du groupe se précipitent. Juliette se relève et tend la « preuve ».
– C’est un mouchoir, précise Juliette, pour le cas où les autres ne l’auraient pas deviné.
– Je le vois bien que c’est un mouchoir, idiote, fait Bonnaud. Moi, ce qui m’intéresse c’est de savoir s’il y a un nom dessus.
Marlon déplie le mouchoir et le tourne dans tous les sens.
– Il y a des initiales, fait Plancher. H.L. qui c’est ça ?
Julie a compris et ça confirme bien que c’était celui auquel elle pensait et qui était caché là. Elle espère que les autres ne feront pas le rapprochement.
– Hector Lepoussin, affirme Hervé. H.L….En tout cas, ça pourrait bien être lui, non ?
Marlon réfléchit. Tous le regardent sauf Julie, très intéressée subitement par ses pieds.
***
– Mes enfants, j’ai une nouvelle grave à vous annoncer. Hier, mercredi, quelqu’un a cambriolé l’école et a volé la caisse de la coopérative.
– Oooohhhh font les enfants de la classe. Tous font des yeux ronds en regardant leur maître.
– J’ai prévenu les gendarmes tout à l’heure. Ils vont venir ce matin faire leur enquête. Si quelqu’un d’entre vous sait quelque chose, il faut le dire tout de suite. C’est important, celui qui se tait est complice du forfait.
Pendant un instant, la classe ne dit rien. Dans les têtes des élèves résonnent encore les paroles du directeur, Monsieur Snuipp. celui-ci n’a pas l’air de rigoler aujourd’hui.
De toute façon, il ne rigole pas les autres jours non plus.
– Est-ce que l’un d’entre vous sait quelque chose ?
Les jeunes têtes se regardent, s’interrogent du menton, dans un silence pesant. Hector, assis devant, n’ose pas bouger. Il se plonge dans l’observation d’une fourmi qui longe la plinthe au pied du mur où est fixé le tableau. Les images se bousculent dans sa tête ainsi que les points d’interrogation. Doit-il raconter ce qu’il a vu ? Que lui arrivera-t-il ensuite ? Finie la tranquillité, déjà précaire à l’école. La bande ne le lâchera plus. Toute sa vie, ils le poursuivront. Il ne pourra même plus sortir de chez lui ni venir à l’école. Oui mais s’il ne dit rien, il devient complice et lâche vis-à-vis de la justice. Pour une fois, il a l’occasion de se comporter comme ses héros de romans.
– Moi. J’ai quelque chose à dire.
Hector se fige, glacé.
Marlon Bonnaud s’est levé lentement, en fixant M. Snuipp du regard. De ses doigts, il tortille consciencieusement le pan de sa chemise sorti de son pantalon.
– Bonnaud, dit le maître sévèrement, aurais-tu un renseignement à nous fournir à propos de cette affaire ? J’espère que tu es sérieux, pour une fois, hm ?
– Oui, m’sieur, répond le rouquin d’un air faussement timide.
Devant, Hector s’est tétanisé. Ses mains serrent très fort les rebords de sa table. La fourmi préfère se cacher sous la plinthe, l’air est trop lourd dans cette pièce, décidément !
– Je sais qui a fait le coup m’sieur, poursuit Bonnaud.
– Et c’est qui alors, selon toi ? interroge l’instituteur.
– C’est lui, fait Marlon en désignant l’élève du doigt.
Tout le monde se tourne vers le jeune garçon assis là-bas presque au pied du tableau.
– Hector Lepoussin ? s’étonne M. Snuipp.
– Oui, c’est lui. Hier, je faisais du vélo et je passais par hasard devant l’école. J’ai vu quelqu’un sortir par la fenêtre qui donne sur la ruelle derrière l’école avec un grand sac sur l’épaule. Moi j’étais caché derrière le gros arbre devant l’église sur la place et je l’ai reconnu, lui, Hector. Il est monté sur son vélo et il a filé. Mais je l’ai bien vu, m’sieur. Je l’ai même suivi de loin après, il allait dans la forêt. Je crois savoir où le reste est planqué. Voilà.
Le silence retombe. Marlon se rassoit en faisant un clin d’oeil discret à Damien Plancher qui le regard éberlué et un brin admiratif. Julie est effondrée, incapable de réagir. Des pensées confuses se bousculent dans sa tête, entre déprime, honte et frayeur vis à vis de ce voyou de Bonnaud.
Le directeur se retourne lentement vers le « criminel » désigné. Hector cherche désespérément son amie la fourmi comme pour y trouver un réconfort, du soutien. Il voudrait disparaître comme elle. Où es-tu fourmi, j’ai besoin de toi !…
– Monsieur Lepoussin, gronde le maître, qu’est-ce que vous avez à dire à cela ? Est-ce vraiment vous l’auteur du forfait ? J’ai pourtant du mal à le croire, vous, un fils de gendarme !
– M….je v..beuh…ben….Il est cramoisi.
Seuls des sons inaudibles parviennent à sortir de la bouche d’Hector. Ce qu’il vient d’entendre l’a soufflé. Une fois de plus, il voudrait mourir…
– Regardez dans son sac, m’sieur, peut-être que vous trouverez quelque chose, reprend Marlon d’un air triomphateur. Moi j’ai regardé avant d’entrer en classe et j’ai aperçu un truc qui devrait vous convaincre. C’est lui je vous dis m’sieur.
Monsieur Snuipp n’aime pas bien qu’on lui donne des ordres, surtout de la part d’un élève comme Bonnaud, tout fils de Maire qu’il est. Mais pour une fois, il a bien envie d’obéir.
– Ouvre ton sac et vide-le sur la table, Hector, ordonne le maître.
Hector ne comprend plus rien à ce qui se passe. Pourquoi ouvrir son sac ? Enfin bon, il obtempère, mécaniquement.
Les livres, les cahiers, les fournitures se répandent sur la table, dans un silence de cathédrale. Un petit cylindre vert roule du sac et tombe par terre. M. Snuipp se penche lentement et le ramasse. Il reconnaît l’objet : un des rouleaux de monnaie qui étaient dans la caisse de la coopérative !!!
– Ah ah, ricane l’instituteur, là tu ne peux pas dire le contraire, mon garçon. C’est l’argent de la coopérative ça, je le reconnais ! Alors qu’est-ce qu’il fait dans ton sac ? Tu peux me le dire ?
Hector est terrifié. La sueur coule de son front, de ses tempes et dégouline sur ses joues.
– C’…c’est p…c’est pas moi, balbutie Hector.
– Comment ce n’est pas toi ? Il y a une preuve irréfutable dans ton sac et tu continues de nier ? Me prendrais-tu pour un imbécile ?
La colère monte dans la voix du directeur et il devient tout rouge. Les rires fusent dans la classe. Tout le monde semble soulagé que le coupable soit découvert. Ouf ! On respire !…
– Ton compte est bon, Hector. D’une minute à l’autre, les gendarmes vont arriver. Nous verrons ton père et tu auras intérêt à avoir une sérieuse explication à fournir. Bien. En attendant, tout le monde prend son cahier de mathématiques, on va corriger les exercices que j’avais donnés à faire mardi.
Ça commence à râler dans la classe. Les élèves auraient bien aimé continuer sur cette affaire, espérant que le maître aurait oublié le travail…
– Et pas de discussion, ajoute-t-il en fixant de son dur regard l’ensemble de la classe.
Les élèves reprennent silencieusement le cours normal de leur vie d’écolier. Hector, d’un geste mal assuré, rassemble ses livres et ses cahiers. Des larmes partent à la rencontre des gouttes de sueur sur son visage.
« Ce n’est pas possible que je me laisse accuser sans rien faire, se dit-il, c’est pas moi qui ai volé tout ça. J’ai rien fait .»
Son visage se couvre soudain d’effroi. Il vient de réaliser que dans un instant, son père va venir et cette pensée lui glace les os.
« Mon père va me tuer, il ne cherchera même pas à m’écouter, c’est sûr. Pourtant, hier, j’ai essayé de lui raconter ce que j’avais vu mais il va croire que c’était pour accuser les autres. Il faut que je sorte de là avant qu’il arrive. Pas le choix. »
Soudain, Hector se lève et court vers la porte. Personne dans la classe n’a eu le temps de réagir. Hector Lepoussin s’est enfui sans demander son reste. Il vient de signer sa condamnation.
Les gendarmes viennent d’arriver à l’école, trop tard comme d’habitude. Le directeur de l’école reconnaît le père d’Hector et sort de la classe pour aller à sa rencontre.
– Bonjour Monsieur Lepoussin. Nous venons de retrouver le coupable. Je suis au regret de vous dire que c’est votre fils, Hector. Il vient de s’enfuir de l’école et est parti en vélo. Vous pourrez peut-être le rattraper, il a pris la route qui mène à la forêt.
– Quoi ? éructe le gendarme, c’est mon fils qui a volé ? Ah ça, si je le rattrape, il va passer un sale quart d’heure ce vaurien. Et vous, il fixe le directeur durement, vous ne l’avez pas empêché de s’échapper ? C’est un gruyère cette école ou quoi ?
– Mais…fait M. Snuipp, outré, vous plaisantez ! Tout est allé très vite et je devais vous attendre. Et qu’aurais-je fait du reste de la classe ? C’est vous qui auriez fait la leçon de mathématiques peut-être ?
M. Snuipp et le gendarme Lepoussin se jaugent un instant du regard . Aucun des deux ne veut céder.
– Oui bon d’accord, concède le gendarme. Pardonnez-moi, c’est mon fils vous comprenez. Il se tourne vers son collègue. Allons-y, retrouvons-le, il ne doit pas être rendu bien loin, même à vélo.
– Il est sûrement parti dans la forêt de Champagnac. Bonnaud ici présent m’a dit qu’il l’y avait vu s’engager hier après le vol.
– Bonnaud ? fait le gendarme soudain intrigué. Et Bonnaud de rougir fortement sous le regard insistant du gendarme. Il vous a dit ça ? Tiens tiens…
Les deux gendarmes remontent dans l’estafette et partent à la recherche du fuyard, vers la forêt. Dans l’école, c’est l’effervescence. M. Snuipp a bien envie de rejoindre les gendarmes. Il a peur au fond de lui pour le petit Hector, à cause du père qui risque d’être un peu brutal. M. Snuipp n’a jamais aimé les gendarmes mais il doit se décider très vite sinon il ne les retrouvera jamais. Il improvise un travail silencieux et individuel pour ses élèves, le temps de s’organiser. Assis à son bureau, il repense à tous ces évènements de la matinée. Hector…un voleur ? Il a tout de même du mal à le croire bien qu’il ait trouvé ce rouleau de pièces dans sa poche…D’ailleurs, il l’a trouvé ce rouleau oui, mais grâce à Marlon ?…
Marlon, justement. M. Snuipp l’observe à la dérobée. Il le voit jeter des regards de droite et de gauche, faisant semblant de travailler. Ce gosse est malsain. Il ressemble à son père. Un vrai magouilleur celui-là, affairiste, grande gueule, se croyant puissant. Ne fait rien pour l’école en faisant croire le contraire…Son fils marche sur ses pas. Il le voit tourner dans la cour aux récréations mais il est assez malin pour ne pas se faire prendre par les adultes…Que Marlon dénonce quelqu’un, ce n’est pas étonnant. Marlon est toujours veule devant les adultes, surtout les instituteurs. Ce pauvre Hector, un élève solitaire, de bons résultats mais très timide, écrasé par le poids paternel… Non, il y a quelque chose d’illogique dans cette histoire…Ce n’est pas possible. J’ai une idée, se dit M. Snuipp en se levant précipitamment, faisant sursauter la moitié de la classe.
Finalement, c’est Mademoiselle Grimbèche qui prend en main la classe du directeur. Celui-ci monte dans sa Renault 4L et prend, à son tour, la route de la forêt. A son bord, Marlon est assis à côté de lui, incrédule, tassé sur son siège. Ce n’est pas tous les jours qu’un élève est autorisé à monter dans la voiture du directeur ! Il a l’autorisation du père, le Maire de Champagnac qu’il vient d’informer par téléphone de la situation mais sans lui dire vers qui portent ses soupçons.
****
Hector pédale si vite qu’en un temps record, il arrive au pied de la grotte de Chanloup, située au fond de la forêt communale de Champignac-les-trois-Fontaines. Il ne tarde pas à apercevoir l’objet du délit, jeté négligemment entre deux rochers au fond de la grotte.
– Elle est là, murmure Hector, la caisse de la coopérative, vide bien sûr.
Hector est tellement plongé dans ses pensées qu’il n’a pas entendu les gendarmes s’approcher. Ceux-ci l’avaient repéré sur la route et suivi de loin. Sans le vouloir, Hector les a conduit directement à la cachette.
Tout à coup, une main énorme s’abat sur son épaule et manque de le faire tomber.
– cette fois on te tient, mon garçon. Nous savons que c’est toi le coupable, gronde le gendarme qui n’est autre que le père d’Hector.
– Ce n’est pas moi, papa, fait Hector en essayant de se dégager de l’emprise. Je te l’ai dit hier, c’est la bande à Bonnaud qui est responsable. Je suis venu ici uniquement pour ramener la preuve à l’école car je savais où ils avaient planqué la caisse de la coopérative. Pourquoi tu ne veux pas me croire ?
– Petit sacripant, tu ne crois pas que tu en as assez fait comme ça ? Ne vois-tu pas la honte qui s’abat sur moi ? On n’a jamais vu ça, un gendarme obligé d’arrêter son propre fils !!
Alors, de colère, Robert Lepoussin lève la main sur son fils, prêt à le gifler.
– Arrêtez Lepoussin, vous n’avez pas le droit !
C’est M. Snuipp qui intervient. Il arrive juste à temps pour calmer les esprits. Pendant le trajet, en interrogeant Marlon, celui-ci lui a indiqué cette grotte vers laquelle, d’après ses dires, se dirigeait Hector hier après le vol. Le gendarme stoppe son geste. Robert Lepoussin n’a jamais tellement apprécié les instituteurs.
– Ça ne vous regarde pas, fait le père du voleur. C’est une affaire entre lui et moi. C’est mon fils et j’ai le droit de le corriger comme je veux, surtout quand il a commis une faute grave. Et le gendarme lève une fois de plus la main sur son fils.
– Arrêtez ! S’il vous plaît. Bien sûr que ça me regarde, on parle de l’argent de la coopérative là. Et vous n’avez pas à traiter Hector comme ça, surtout dans l’exercice de vos fonctions !
Robert Lepoussin commence à s’impatienter. Va-t-il pouvoir gifler son gamin comme il le mérite oui ou non ?
Marlon est resté sagement dans la voiture mais il voit tout et entend tout. Il a son sourire goguenard. Il se demande juste pourquoi M. Snuipp l’a amené avec lui.
– Arrêtez, ce n’est pas lui le coupable.
D’un bosquet, une petit fille vient de surgir. Julie. Tout le monde s’est retourné et la regarde avec des yeux ronds. Personne ne pense à lui demander ce qu’elle fait là. Marlon change de couleur. Il se dit qu’il n’aurait jamais dû faire confiance à cette fille et d’ailleurs, il ne devrait faire confiance à aucune fille en général.
– Ce n’est pas Hector le coupable, poursuit-elle avec force et en sanglotant, c’est bien la bande à Bonnaud. Je le sais parce que j’étais là. Mais quand j’ai vu en classe que Marlon était assez lâche pour faire accuser un innocent, à mon tour, je me suis enfuie de l’école pour dénoncer les vrais coupables. Et puis…j’aime bien Hector…c’est le plus gentil garçon de l’école. Les autres ne sont que des brutes !
Hector sort de la voiture et se précipite vers Julie, prêt à lui foncer dedans.
– Espèce de petite imbécile, fait-il en serrant les poings, tu viens de tout foutre en l’air…Il confirme ainsi les soupçons du directeur à son encontre.
Marlon lève la main pour frapper Julie. Celle-ci se cache derrière Hector. Aucun adulte ne réagit, tout va très vite et personne ne sait comment faire avec ces gamins.
– Pousse-toi Hector ou tu vas en prendre une toi aussi. Le père gendarme tente de s’approcher pour les séparer mais la main de M . Snuipp le retient par le bras comme pour dire : laissez-les régler ça entre eux.
Hector regarde Marlon. Il est impressionné par la force brute qui se dégage de Bonnaud. Il ne dit rien. Mais il ne baisse pas les yeux. Et soudain, il sent en lui monter une vague de colère. Les digues de la raison et de la peur qui l’ont toujours retenues jusque-là commencent à s’effondrer. Cette force naissante le submerge. Il met ça sur le compte de la proximité de Julie, dans son dos. Elle compte sur lui, elle attend de lui une réaction pour la sauver. Elle croit en lui. Il en prend conscience. Il ressent une fierté. Il se sent honoré. Julie l’aime ? Rien ne pouvait lui donner plus d’énergie. Enfin quelqu’un pour qui il a de l’importance. Alors point de lâcheté, fini.
– Bonnaud, murmure-t-il juste assez fort pour que celui-ci le comprenne, Bonnaud, tu es un sale type, un voleur et un menteur. Tu as volé la caisse de la coopérative et tu as entraîné avec toi des garçons et des filles parce que tu te crois le plus fort et le plus admiré de l’école. Mais tu es un nul, tout le monde te déteste. Je n’ai plus peur de toi. Tu ne vaux pas le coup de poing que pourtant tu mérites mais tu vas quand même le prendre.
Bonnaud est tellement sidéré par l’aplomb d’Hector qu’il en reste bouche bée, à la limite d’avoir peur. Au fond il a presque de l’admiration pour cet enfant chétif et courageux. Qui n’a jamais osé s’opposer à lui, Marlon Bonnaud ?
Il n’a pas le temps de réfléchir plus et reçoit un magistral coup de poing de la part d’Hector qui l’envoie valser. Il se retrouve à terre, blessé et surtout humilié. Il se recroqueville sur lui-même et cache sa tête dans ses bras. Par peur de prendre d’autres coups ? Non, pour cacher des larmes qui montent malgré lui, un phénomène qu’il découvre avec surprise et honte.
M. Snuipp se précipite vers Marlon cette fois, autant pour vérifier qu’il va bien que pour éviter qu’il ne s’enfuie à son tour.
Julie a le visage tout rouge après son avoeu d’avoir participé au vol. Elle saisit la main d’Hector qui se tourne vers elle. Il n’en revient pas d’avoir frappé Marlon !
– Je te demande pardon, Hector. Nous t’avons fait du mal et je le regrette. Il ne faut pas m’en vouloir si j’ai été idiote pour me laisser entraîner par cette bande de nuls.
Pour une fois, Hector n’a plus envie de mourir. Ça change ! Il fait tout pour ne pas montrer que des larmes sont prêtes à couler de ses yeux. Ça ne se fait pas de pleurer devant une fille quand on est un homme non ? Et pourquoi pas ? Alors il lâche totalement les digues cette fois et se met à pleurer sur la douce épaule de Julie qui lui caresse les cheveux tendrement, pleurant également. Et c’est si bon !
*****
A la fin de l’année scolaire, on ne revit plus Marlon Bonnaud sur les bancs de l’école.
Son père décidera de le mettre en pension quand il entrera au collège l’année suivante. L’atmosphère des récréations, plus longues à mesure que les grandes vacances approchaient, devint légère et joyeuse, pour les enfants comme pour les adultes.
Hector eut le prix d’excellence pour le courage dont il fit preuve lors de l’affaire du vol de l’école. Son père était très fier et ne songea plus jamais à le gronder pour un oui ou pour un non. Il admirait et respectait son fils à présent.
« Quand je serai grand, se dit Hector pendant que la salle des fêtes applaudissait à tout rompre, j’écrirai des romans policiers et je me marierai.
Avec Julie, évidemment ! »