Petite fable affable
Un bon citoyen, homme sage pensant peu
Et parlant prou avait un bon esclave,
Un phrygien fuyant à sauve-qui-peut
La foule, race imbécile qui lave
Son honneur bafoué dans un grand bain de sang
Comme elle essuie tout affront par le blâme.
Servile d’état et non d’esprit, serviteur
Dévoué mais guère soumis, Ésope,
Puisque tel était son nom, était bretteur
En matière de pensée et moins myope
Qu’un philosophe. Le propos parfois cassant,
Le mot, souvent, plus affuté que lame,
Il disait son fait, franco, à tout un chacun
D’une épigramme valant maints épais bouquins.
Il méprisait fort le luxe et le faste
Qui le faisait vivre, tout autant qu’il respectait
La misère que craignent tant les dynastes.
Esope, libre d’esprit comme un grand dadais,
Était, dit-on, contrefait à l’extrême,
Nous affranchit sur un monde mort quoiqu’éloquent,
Le sien, pas si éloigné du nôtre,
Et des vices dans lesquels il se vautre.
Ainsi son nom survit-il à sa mort
Quand tous ses maîtres dans l’oubli tombèrent.
Et en mordant, sa vie durant, du sort le mors,
Il prouva aux éternels pauvres hères,
Soient-ils hilotes, que Talent rend pérenne, quand
Le rang ne fait grand qu’un temps de carême.
© Christian Satgé – mars 2021
est-ce une fable, est-ce réalité? Les deux sans doute. Merci pour votre érudition qui transpire dans ce poème
Merci Arnaud pour cet hommage au père de la fable en cette partie du monde. Au plaisir de vous en conter d’autres entre rêve et réalité, entre prose et prosodie…
Merci Christian pour cette belle fable qui me siée à tout point de vue avec une chute vertigineuse comme à chaque fois. Mi figue, mi raisin, avec un soupçon de levain et une biche de vin, sans oublier la miche de pain, c’est parfait !
Vous êtes trop aimable et surtout trop généreux avec mes humbles vers qui hameçonneront peut-être quelque autre curieux de notre langue et de ses ressorts, et surtout que l’école n’aura pas trop éloigné du genre que je me propose de défendre. Amicalement…