Clé de l’orthographe 42 : point d’exclamation – Sandrine Marcelly

Clé de l’Orthographe n° 42

L’emploi ou l’absence du point d’exclamation dans les manuscrits est l’un des points qui me surprennent souvent.

Rappelons d’abord que le point est une ponctuation neutre. On énumère des faits, on ne laisse passer aucune émotion, aucune variation de ton. Le point d’exclamation, lui, sert à exprimer des émotions (positives ou négatives) ou à donner des ordres.

On le trouve parfois doublé, triplé, voire beaucoup plus. Le logiciel de correction Antidote me le signale systématiquement comme étant critiqué par certains grammairiens. Si cette méthode est utilisée avec parcimonie et à bon escient, lorsque le personnage tombe vraiment des nues, pourquoi pas, ça peut renforcer l’impression que l’auteur veut donner. L’essentiel étant que toutes les exclamations ne soient pas triplées, ce qui ferait perdre toute sa force à cette ponctuation.

À l’inverse, je pense que certains mots, adverbes, verbes ou autres appellent un point d’exclamation qui est souvent absent. À commencer, dans un dialogue, par « s’exclama Dupont ». S’il s’exclame, pourquoi la ponctuation ne le montrerait-elle pas ? Avec un point (ou une virgule de fin de réplique), on ne s’exclame pas, on affirme sur un ton neutre. On reste calme, on énonce une vérité (ou ce qu’on pense en être une). Mais à mon avis, on s’exclame ! On crie ! On hurle ! On s’enthousiasme !

Quand je lis ou que je corrige un dialogue, je « l’entends » (je sais, c’est bizarre) et quand je vois « viens par ici, crie-t-il », je n’entends pas le personnage crier. Je le vois demander poliment à son interlocuteur de s’approcher pour discuter, lui montrer quelque chose… Par contre, avec « Viens par ici ! crie-t-il », je sens que celui à qui il s’adresse va passer un sale quart d’heure.

De même pour des adverbes de quantité tels que si, tellement, tant non suivis d’une relative (que). Écoutez :

  • Il est si intelligent !
  • Il est si intelligent.

Vous entendez la différence ? Dans la deuxième phrase, on attend la suite : il est si intelligent qu’il est arrivé major à son concours. On affirme simplement un fait. Alors que dans la première, on entend l’admiration.

C’est pareil avec « il m’agace tellement », « je l’aime tant »… Sans point d’exclamation, en ce qui me concerne, je ne vois pas l’émotion, j’attends juste la suite.

Vous voyez, il suffit de pas grand-chose pour que l’ambiance d’un roman change du tout au tout !

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Sandrine Marcelly

Sandrine Marcelly (66)

Un bac littéraire, des études de langues et de linguistique, une vie avec des livres dans les mains… Je suis une maniaque de la langue, des mots, de l’orthographe, au point que mes deux précédents employeurs m’ont chargée l’un de corriger son site internet avant de le mettre en ligne, l’autre de contrôler toute sa communication pendant 10 ans (newsletters, catalogues, plaquette, mails importants…)Je supporte de moins en moins de trouver des fautes dans des livres, des journaux, des publications sur internet ou ailleurs. J’avais donc 2 solutions : continuer à râler dans mon coin, sport national s’il en est, ou agir. J’ai testé la première, sans grand résultat. Je suis donc devenue correctrice relectrice indépendante, pour apporter ma pierre à l’édifice de façon constructive, parce que c’est tellement plus agréable de lire un texte bien écrit, sans fautes !

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