Ch’livreur de pain – Philippe Dutailly

Ch’livreur de pain           

 

Les arbres de la nuit

Ont des bras inquiétants.

Chaque ombre s’évanouit

Tel un monstre mutant !

 

Voilà ce qu’entrevoit

Un jeune travailleur

En donnant de la voix

Pour tuer ses frayeurs.

 

Il va livrer le pain

Avec un attelage

Qui, suivant les sapins,

Va de bourgs en villages.

 

Et partout les terrils

Couvrent  le territoire.

Ces poussières stériles

Façonnent son histoire.

 

Quand finit sa tournée,

Passé le dernier val,

C’est la fin de journée,

L’heure des soins du cheval.

 

Revient dans le coron,

Tout briqué de tristesse,

Semblables environs

Et semblables détresses.

 

Quand il a du chagrin,

L’enfant monte au grenier,

Comme l’oiseau, dans le grain,

Gagne le pigeonnier.

 

Et partout les terrils

Couvrent  le territoire.

Ces poussières stériles

Façonnent son histoire.

 

Sur un fond de farine,

Le poussier s’assemblant,

Produit, de sa poitrine,

Des toux en noir et blanc.

 

Puis un jour pour Paris

Il partit un matin

Misant dans un pari,

Son destin incertain.

 

Son nom fut Dutailly,

Alfred de son prénom,

Depuis il est parti

Mais je porte son nom.

 

Maintenant les terrils

Bitument les trottoirs

Et la fin des terrils,

C’est la fin de l’histoire.

 

©  Philippe Dutailly – 12/11/1988

Philippe DUTAILLY

Philippe DUTAILLY (89)

Tombé amoureux de "L'albatros" de Charles Baudelaire, poème appris lorsque j'étais 'écolier et nourri au hasard de Victor Hugo, Georges Brassens, Léo Ferré, Lamartine et beaucoup d'autres, j'ai commencé à faire rimer les mots vers l'âge de 18 ans. D'abord très inspiré par Brassens, j'ai pris, au fil du temps, mon autonomie pour en venir à des textes plus intimes qui, pour certains, servirent d'exutoire à des émotions mal vécues.

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17 Commentaires
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Camille M.
Membre
26 avril 2021 14 h 59 min

Joli hommage à ce Dutailly ou Duterril!

Patrice Fougeray
Membre
12 avril 2021 14 h 27 min

Les terrils conservent en leurs entrailles toute l’âme des ch’tis.

Lucienne Maville-Anku
Membre
10 avril 2021 18 h 47 min

Son nom fut Dutailly,
Alfred de son prénom,
Depuis il est parti
Mais je porte son nom.”

J’aime le “Mais je porte son nom“. Un “Mais” qui contraste avec le depart, et qui dit presque que ce grand homme à qui vous rendez avec finesse hommage…vit encore. Subsiste son nom que vous portez, bien fièrement..

Arnaud Mattei
Membre
10 avril 2021 16 h 34 min

C’est sublimé Philippe, merci

Pascale Jarmuzynski
Membre
10 avril 2021 15 h 32 min

quelle agréable lecture et quel bel hommage.
doux we à vous.

Colette Guinard
Membre
10 avril 2021 14 h 20 min

Bel hommage envers votre ascendant avec de nobles sentiments ,merci du partage cordialement Colette Guinard

Anne Cailloux
Membre
10 avril 2021 13 h 25 min

Bel hommage. Il ne faut jamais oublier nos racines, nos parents. Par ses écrits, nous les rendons immortels.

Invité
10 avril 2021 11 h 54 min

bravo pour ce texte

Ol

Alain Salvador
Membre
10 avril 2021 9 h 49 min

Très émouvant Philippe… En te lisant me vient en tête les images que j’ai eues en lisant “germinal ”
Tu portes fièrement son nom..

Plume de Poète
Administrateur
10 avril 2021 9 h 04 min

Très beau texte Philippe, fort en sentiments et en émotions, merci pour ce partage.