Petite fable affable d’après une phrase d’Alain tirée des Propos sur le bonheur (1928)
Une tourterelle faillit mourir,
Un chasseur ayant un tir à nourrir
Un jour d’ouverture où le bredouille,
Feulant comme un chat, râlant comme un rat,
N’avait à aligner que coups et douilles.
Mais l’oiselle eut chaud aux ailes. Fouchtra !
Auprès d’un ramier passant pour lâche,
Toute en joie, elle s’est réfugiée.
Il lui dit qu’elle est privilégiée
D’avoir une humeur que rien n’entache,
Un enviable caractère heureux.
« Rien ne t’atteint, rien ne te touche :
La Vie sur toi use ses cartouches
En vain, alors que je suis si peureux…
Ne sais-tu qu’après la pluie vient l’orage
Que suit la grêle, ou la tempête au moins.
C’est ainsi de tout temps dans ces parages
Pour les gens de plumes . Dieu m’est témoin !
– Mais je ne suis ni plus folle ni, las, plus forte
Qu’une autre mais, moi, je suis de la sorte
Que l’humeur rend pessimiste, l’ami,
Et que ma volonté rend optimiste,
Ainsi ne vis aucun jour à demi
Te laissant le soin d’être fataliste. »
© Christian Satgé – avril 2017
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