Nostalgie Corrézienne – Philippe Dutailly

Quand parfois me reviennent les tendres souvenirs

De “ Saint Merd de Lapleau ” où j’allais en vacances

 Mon enfance renaît dans de brèves séquences

  Peuplées d’âmes défuntes qui semblent revenir.

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Les maisons abritaient les vivants et leurs mânes

Et semblaient exprimer leurs propres caractères

 Accueillants ou mauvais suivant les locataires

Mais toutes dominées par l’église romane.

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Témoin depuis longtemps des humeurs du village

Elle m’inspirait déjà un amour mystique

Car je sentais les pleurs et les rires antiques

Que ses murs conservaient malgré le poids de l’âge.

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Elle fut érigée sur les ruines d’un temple

Et depuis l’époque de l’invasion romaine

Ce lieu reçoit son lot des effusions humaines

Qui forcent le respect de ceux qui la contemplent !

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Etape célèbre d’un grand pèlerinage

Sur le chemin sacré menant à Compostelle

Elle conte ce temps en gardant dans ses stèles

Le souvenir gravé des mœurs du moyen-âge.

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Son clocher ajouré de niches en arcades

Avait tant célébré de moments mémorables

Que ses quatre cloches me semblaient vénérables

D’avoir rythmé la vie depuis tant de décades.

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Alors quand le sonneur, devant mon insolence,

Me donnait l’occasion de tirer sur les cordes

Mon bonheur n’était pas fait de miséricorde

Mais de désir secret de rompre le silence.

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Le présent est aveugle des images passées

Mais mon esprit revoit s’animer des visages

Et des physionomies qui retrouvent leurs âges

Dans ce bourg de Corrèze plein de ses trépassés.

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 J’entrevois ces cafés, rendez-vous des dimanches,

Et j’entends les jurons des parties de belote

Où les mots excessifs, pour de simples parlotes,

Coupaient comme des atouts qu’on sort de sa manche.

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Mais quand venait un air de bourrée corrézienne

Invitant les danseurs à claquer leurs chaussures

Les rires étaient vrais, les joies beaucoup plus sûres

Que les nuits fabriquées des fêtes parisiennes.

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Puis le temps a passé en laissant ses dommages,

Le bourg a égrainé au loin sa descendance

Plus personne n’est là pour entrer dans la danse

Dans ce pays ruiné où sévit le chômage.

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Aujourd’hui, à Saint Merd, je me sens nostalgique

Les femmes du passé sont de fort vieilles dames

Des maisons sont fermées, certaines n’ont plus d’âmes

Et je ne trouve plus mon village magique !

 

 

                 © Philippe Dutailly – 12 11 1996

Philippe DUTAILLY

Philippe DUTAILLY (89)

Tombé amoureux de "L'albatros" de Charles Baudelaire, poème appris lorsque j'étais 'écolier et nourri au hasard de Victor Hugo, Georges Brassens, Léo Ferré, Lamartine et beaucoup d'autres, j'ai commencé à faire rimer les mots vers l'âge de 18 ans. D'abord très inspiré par Brassens, j'ai pris, au fil du temps, mon autonomie pour en venir à des textes plus intimes qui, pour certains, servirent d'exutoire à des émotions mal vécues.

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9 Commentaires
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Martyne Dubau
Membre
17 mai 2022 1 h 38 min

Il n’est pas toujours bon de revenir sur les lieux de son enfance ;
ça détruit souvent beaucoup de souvenirs
Il vaut mieux garder en mémoire tous les lieux d’autrefois
il n’y a que dans notre cœur qu’ils restent magiques

Hélène Lebougault
Membre
16 mai 2022 22 h 49 min

Épopée lointaine et presque mystique
D’un temps passé magique et mystérieux

Alain Salvador
Membre
16 mai 2022 19 h 09 min

Une autre époque Philippe…
Très beau texte 👍

Jean-Marie Audrain
Modérateur
16 mai 2022 16 h 43 min

Magnifique hommage aux pierres et aux âmes de ton enfance !