Petite fable affable
Deux mères grands, véritables ombres parmi les ombres,
Arpentaient l’allée de platanes de la grand rue,
Dans leur vêture de grand deuil comme en portent nombre
De vieilles chez nous. Si elles avaient couru
En leur jeunesse, ces deux momies marchaient lors à pas
De bigote en causant de tout. Même de trépas.
Rapprochées moins par leur âge que par leur veuvage,
L’une avait régné sur l’école du temps où les gars
Avaient régent, les filles cerbère. Sans partage.
Elle en avait gardé un regard d’aigle et, pas gaga
Cette lady-là, avait le ton sec et bourru
À l’encontre de qui lui déplaisait dans le cru ;
L’autre était plus en rondeurs, de corps, de caractère,…
Couple d’amies ne fut jamais plus mal assorti.
Ce jour-là, où elles sillonnaient leur bout de terre
La petite fille de la seconde, sortie
De classe, court embrasser ces deux ancêtres las
Avant de rentrer vivre sa vie d’ado’ de là.
« Ma pauvre ! fait alors l’ancienne institutrice,
Comment te voilà attifée ? Serais-tu déjà
Une Marie-couche-toi-là ?… Une tentatrice
Qui criera au viol quand la voudra un goujat ?…
On ne met pas en vitrine ce que l’on ne veut
Point vendre. Chez nous, de toujours, vêture est aveu ! »
La gamine s’en repart, vexée et rougissante.
Mais surprise aussi d’une aussi abrupte sortie,
À laquelle sa grand-mère, moins coassante,
N’a pipé mot. La tanceuse ajoute un : « Pervertie ! »
Que la petite n’a pu ouïr car déjà loin
De l’antique fâcheuse et de son muet témoin.
« Et toi tu ne dis rien ?… Elle est de ta famille
Pourtant !… Il te faut plus mettre en garde cette enfant :
L’aïeule ne doit avoir parole camomille :
Toisant le cerf, guidant la biche, bridant le faon,
Il faut, de son histoire, tirer graves leçons,
Morale d’airain et les asséner. Sans façon !
Que nenni, mon amie. C’est là outrepasser son rôle.
On en appelle à mon expérience parfois,
Mais c’est, pour tous les miens, sagesse et non contrôle
Et surtout je ne crois pas, et le dis sur ma foi,
Comme toi, semble-t-il, que l’on soit ou qu’on sera
Ce que je fus… D’où mon silence et mon embarras ! »
Arpentaient l’allée de platanes de la grand rue,
Dans leur vêture de grand deuil comme en portent nombre
De vieilles chez nous. Si elles avaient couru
En leur jeunesse, ces deux momies marchaient lors à pas
De bigote en causant de tout. Même de trépas.
Rapprochées moins par leur âge que par leur veuvage,
L’une avait régné sur l’école du temps où les gars
Avaient régent, les filles cerbère. Sans partage.
Elle en avait gardé un regard d’aigle et, pas gaga
Cette lady-là, avait le ton sec et bourru
À l’encontre de qui lui déplaisait dans le cru ;
L’autre était plus en rondeurs, de corps, de caractère,…
Couple d’amies ne fut jamais plus mal assorti.
Ce jour-là, où elles sillonnaient leur bout de terre
La petite fille de la seconde, sortie
De classe, court embrasser ces deux ancêtres las
Avant de rentrer vivre sa vie d’ado’ de là.
« Ma pauvre ! fait alors l’ancienne institutrice,
Comment te voilà attifée ? Serais-tu déjà
Une Marie-couche-toi-là ?… Une tentatrice
Qui criera au viol quand la voudra un goujat ?…
On ne met pas en vitrine ce que l’on ne veut
Point vendre. Chez nous, de toujours, vêture est aveu ! »
La gamine s’en repart, vexée et rougissante.
Mais surprise aussi d’une aussi abrupte sortie,
À laquelle sa grand-mère, moins coassante,
N’a pipé mot. La tanceuse ajoute un : « Pervertie ! »
Que la petite n’a pu ouïr car déjà loin
De l’antique fâcheuse et de son muet témoin.
« Et toi tu ne dis rien ?… Elle est de ta famille
Pourtant !… Il te faut plus mettre en garde cette enfant :
L’aïeule ne doit avoir parole camomille :
Toisant le cerf, guidant la biche, bridant le faon,
Il faut, de son histoire, tirer graves leçons,
Morale d’airain et les asséner. Sans façon !
Que nenni, mon amie. C’est là outrepasser son rôle.
On en appelle à mon expérience parfois,
Mais c’est, pour tous les miens, sagesse et non contrôle
Et surtout je ne crois pas, et le dis sur ma foi,
Comme toi, semble-t-il, que l’on soit ou qu’on sera
Ce que je fus… D’où mon silence et mon embarras ! »
© Christian Satgé – juillet 2020
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Merci Brahim. En effet, comme Tonton Georges je crains que e temps be fasse rien à l’affaire… et qu’il faut accepter qu les temps – et les mœurs qui les accompagnent – évoluent à défaut de changer pour le meilleur et pour le reste. Amicalement…
Merci, Christian, pour ce partage où les gens d’un autre âge doivent se montrer sages ! Ces jeunes vivent leur siècle qui n’est pas celui de leurs aïeux, sachant que le leur ne sera pas celui de leurs enfants !