Le roseau et le chêne – Christian Satgé

 
Petite fable affable, version alternative
du Chêne & le roseau, Livre I, 22
 
Un roseau, gracile fuseau,
Dit au chêne voisin : « On vous caricature
Dans certaine fable où, vivant lès un cours d’eau, 
Moquant d’un des miens la nature,
Vous finissez la tête dans l’eau
Parce qu’un vent mauvais s’entête
À faire un triste sort, las, à votre pareil.
– J’ai ouï, répond l’arbre, qu’on en tire conseil
Qu’il vaudrait bien mieux, quand ça pète,
Courber bas l’échine et puis tout souffrir
Que lutter, résister : plier dans le sillage
De tous les vents n’est pas courage.
– Sûr, ça vaut mieux que de périr !
– Même abattu, où est l’outrage ?,
Il restait chêne et l’autre vent…
Et votre bon parent, privé de son auvent
Souffrait pluies et souffles, comme il est de juste
Quand il manque l’abri d’un feuillu, vieux, auguste,
Dont  l’ombre et la feuille vous pare de ceci,
Protège de cela : tout devient redoutable !
– Vous êtes fatuité !… – Et vous impéritie,
Reprit le chenu. L’effroyable
N’est pas le vent, passant fardeau,
C’est que notre chute pourrait bien, vain marmot,
Faire la vôtre!… Alors ne ris
Pas trop haut, cesse de te battre les flancs ! »
Puis il se tut – boudeur ? – tout le reste de l’an.
Un jour, les Cieux, pris de folie,
Tempêtèrent tant et si fort,
Que le chêne en perdit racine,
S’écrasant sur ses voisins et voisines.
De la roselière, il ne resta que corps morts.
 
© Christian Satgé – avril 2013
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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