Le jet en son miroir – Christian Satgé

 
D’après Le jet d’eau et le réservoirde Claude Joseph Dorat (1734-1780)
 
Au fond d’un parc abandonné,
Jadis couru et couronné,
Un jet s’élançait sous l’ombrage
Retombant en perles de pluie
En clairs et joyeux babillages.
Dans le silence du feuillage
Qu’il caresse, il bruit et il luit.
Il oublie, dans sa course folle,
Rosée dont les arbres raffolent
Ou fraîche ondée lorsqu’il s’affole.
 
Mais, en passant, tel le plus sot,
Le plus vain des petits ruisseaux,
Sans doute enivré de lui-même,
Il insulte l’eau du bassin
Sur lequel il pleut, l’anathème
Alors qu’il lui doit son baptême.
Lui s’élève aux cieux, clair et sain,
Brillent ses essaims et ses gerbes
De diamants qu’il offre, superbe
Et magnanime, aux nues, à l’herbe,…
 
Plus taciturne, l’eau qui dort
Ne faisait pas de l’air de l’or.
Sage, cette onde était obscure,
Croupissante, assoupie aux pieds
De ce fat grossier, n’avait cure
De ses piques, de ses piqûres :
Las, il faut aux fades pécores
Un décor, bien plus terne encore,
Pour un éclat qui s’édulcore !
 
Le jet moquait son réservoir,
Ce miroir qu’il ne peut plus voir.
Ce-dernier gangrenait de rouille
Le conduit lui donnant hauteur
Et lustre, avec sage lenteur.
L’autre ainsi se meurt où il mouille,
Peu à peu, et non sans stupeur.

Ami, si ta morgue, un jour, lasse
Ceux grâce à qui tu te prélasses,
Cesseront ton faste et ta classe !
 
 
© Christian Satgé – juillet 2012
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Invité
20 mai 2017 8 h 50 min

( toujours et encore ) titre de l’un de mes poème ! mais cela vous va comme un gant ,a coups de mots subtils ! on est k o avec vous ! une brutalité qui enseigne ! amitié annie