La niche visitée – Guillaume Aatira

Les chemins recouverts de flaques et de boue

Conservèrent l’empreinte humide de mes pas.

Il était tard, la lune affichait une moue

À affoler les loups, les hiboux et les rats.

 

Je marchais avec hâte en baissant bien ma tête

Afin de ne pas voir l’œil flambant dans les cieux,

Car je sentais au dos comme un second squelette

Le poids d’un regard blanchâtre et bilieux.

 

Piétinant la pierre où pullule la mousse,

Mon élan s’affaissait en des débris poudreux ;

L’air du soir tanguait et la forte secousse

Polluait les bijoux en les rendant givreux.

 

Un doute commençait à infiltrer mon âme

Et à noyer mon corps sous un flot de soupçons,

Dont le roulis portait le sombre accent du blâme

Qui agitait ma peau de pénibles frissons.

 

J’arrivai cependant au devant de ma porte.

Et, pour me dérober de ce juge assassin,

Je m’engouffrais, fuyard, lamentable cloporte

Dans l’étroit allée au parfum si malsain.

 

A force de palper la chair dure et glacée

Des murs, j’entrais chez moi. Sûr d’y être à l’abri,

J’essayais de clamer mon haleine harassée

En me glissant dessus les draps blancs de mon lit.

 

Je m’assoupis alors pour atteindre des rêves

Le cours calme et limpide. Or un souffle inconnu

Venu d’aucun pays, né de toutes les grèves

Se leva doucement et mit mon cœur à nu.

 

Des deux mains j’agrippais les fragments d’une idole

Brisée. En vain, ma bouche essayait de prier

Ma langue de panser, comme une bonne colle,

Les membres parsemés de mon trésor pillé.

 

À serrer ces morceaux, ils devinrent du sable,

Des grains que mes doigts ne surent retenir.

Je contemplais sans mot le vide haïssable

Où hurlait désormais un violent zéphyr.

 

La niche avait un trou, et par cette ouverture,

Je vis l’astre qui juge avec tant de rancœur.

Sa foudre me brisa, je fus à la torture

De découvrir au sol le fracas de mon cœur.

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