Petite fable affable
Beauté pareille à une nymphe d’antan,
Une pucelle d’ici voulut apprendre
À taquiner un peu le goujon, sentant
Que ses bons parents fort vieils et à, tout prendre,
Mal allants ne passeraient pas un long temps
Sur cette terre ayant, las, une âme à rendre.
Pour vivre, se sachant gueuse et condamnée
À le rester, peu engourdie de paresse,
Sans terre ni pécunes comme les damnés
Savent l’être, il lui fallait donc quelque adresse
Dans un art si elle ne voulait caner
De verte faim, noulant finir pécheresse.
Son paternel lui apprit à apprêter
Ses lignes, à y arrimer des vers de terre
Et à avoir cette patience prêtée
Aux statues pour que jamais là ne s’altère
Le silence qui va faire s’arrêter
Le poisson que, souventes fois, l’aubaine atterre.
Ses débuts ne furent, ma foi, guère glorieux
Sa gaule ramena sur la rive godasses,
Botte orpheline aux grands trous mystérieux,
Algues arrogantes, toujours pleines d’audace,
Et choses qui auraient rendu furieux
Le plus calme des apprentis du pays dace.
Là, les mots de son père elle se disait.
Certes, ce brave homme avait peu à lui dire
Mais il répétait beaucoup : c’était aisé
De ses leçons se souvenir. Sans médire !
Tant pis si, assise, elle allait tant bronzer
Qu’on la crut née aux confins d’ici sans contredire.
Si blanche comme blette elle n’était plus,
Peu bêcheuse elle serait bonne pêcheuse.
Elle relançait son fil sans espérer plus
Qu’à le tremper dans l’onde pure et heureuse
Elle hameçonnerait, avant l’angélus,
Gros distrait voire petite curieuse.
Enfin elle put faire, le mois passant,
Sa première friture avec une ablette
Qui fut surprise : « Ma Belle, c’est lassant !
On se moquait de toi, en bas : femmelette,
Ton crochet fait que nous allions gaussant,
Pensant que tu ne ferais jamais emplette
De nous. Pourtant me voilà prise. Et sans vert.
Quel est ton secret, dis-moi ? » Notre jeunette
En riant répondit cette phrase sous couvert
De secret : « Mon père me serine : “Jeanette,
On n’apprend que de ses échecs et revers
Alors retournes-y et fais-toi genette !” »
© Christian Satgé – mai 2109
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Bonjour Christian au plaisir de te lire
Prise à l’hameçon de vos mots
Je pèche les vers, D’asticots
D’une fable rivière d’anguilles
échec et mat de fils en aiguilles
aux revers d’un revers de la nageoire
au plaisir de te lire
Douce journée bises!
Merci Béa pour ces vers qui m’ont harponné plus qu’hameçonné… Au plaisir de vous lire.