Dehors, la pluie de novembre tombe et prépare la venue d’un nouvel hiver. Encore un à passer. Encore une année qui s’éteint. Est-ce que ce combat est juste ? Ne se sert-il pas d’une passion – tuer ; d’un instinct primaire –chasser comme d’une justification pour faire taire la moindre impertinence d’une conscience qu’il a longtemps perdue, déjà ? Est-ce que cette psy peut lui venir en aide ? Que fera-t’il s’il se fait prendre ? Cela arrivera, il le sait. La question est quand ? Qui pourrait reprendre le flambeau ? Ne devrait-il pas en faire état et monter une sorte de corporation, réunissant d’anciens tireurs d’élite de tous horizons pour continuer la mission ? Il faut qu’ils aient peur, à leurs tours. Il faut qu’ils paient, à leurs tours. Il faut qu’ils comprennent que leurs décisions ont des conséquences sur des milliers de gens et que les gouverner n’est pas une prise d’otages permanente. Il faut qu’avant de prendre les rênes de leurs propres ambitions démesurées, ils regardent, réfléchissent avant de se lancer dans la course. Ont-ils les compétences ? A quelque niveau que ce soit. Pourquoi pense-t’il à cette femme ? Pourquoi, insidieusement, ses mots résonnent en lui ? Qu’a-t’elle pu bien provoquer pour que, presque à son insu, son charme, son élégance naturelle, sa diction, les fragrances de son parfum respirent en lui ? Que peut-elle lui apporter ? Se sent-elle assez forte pour l’épauler dans sa démarche ? Pourrait-il lui dévoiler son projet sans que les verrous de son éducation ne l’empêchent de comprendre ? Son professionnalisme sera-t’il plus fort ? Tout doit rester secret et il devrait ne plus la voir… Pourtant, elle lui apporte une bouffée d’air pur et d’être dans son cabinet, en tête à tête, l’apaise, un peu. Pourquoi toujours revenir à lui alors qu’il ne veut penser qu’aux autres ? Il sait l’origine. Les fêlures provoquées par l’enfance et l’engagement à la fin de son adolescence. Puis les conditions des prises de positions pour combattre et engager l’ennemi. Mais quel ennemi ? Celui qui ne veut pas se laisser spolier sans rien faire ? Quelle cause juste permet la guerre ? La guerre ne serait pas, à l’inverse, au service des voleurs ? Les conflits ne seraient-ils pas des réponses aux provocations pour déposséder l’autre ? Qui peut avoir les mains bien propres ? Jamais tâchées par le sang des inconnus qui, également, préfèrent la Vie à la Mort. A quoi servent les tribunaux s’ils ne punissent pas ? A quoi sert la Justice si elle ne protège pas le plus démuni ? Serait-il un égaliseur ? Celui qui permet une certaine régulation ? Le contrepoids pour celles et ceux qui ne peuvent se défendre ? Saurait-elle comprendre cela, la psy ? Ne tenterait-elle pas de le dissuader ? Le confondrait-elle pas avec un pur assassin de masse ? Un simple tueur en série avide de célébrité ? Lui, il ne se sent bien que dans l’Ombre. Inconnu, il tient à le rester. Certainement pour cela qu’il a choisi ce métier : un homme de l’Ombre. Elle le rassure. Elle le pénètre et il devient elle. Certainement, l’origine de son surnom : le fantôme. Jamais sa cible n’a su où il se trouvait. Jamais les témoins n’ont pu désigner une direction pertinente qui aurait pu orienter les enquêteurs de façon quasi certaine. Les traits de ce visage sont trop communs non identifiables avec d’autres personnes.
Extrait de HORS par Benoit Deville