Ciel ! Mes aïeux : Mon père ce héros…de la photo – Autobio Tome XXXVII – Jean-Marie Audrain

XXXVII – Ciel ! Mes aïeux : Mon père ce héros…de la photo

De mon père, je ne vous ai raconté qu’une seule chose, qu’enfant il traînait au bout d’une ficelle une boîte de sardines car ses parents étaient trop pauvres pour lui acheter des jouets du commerce. Il s’en satisfaisait car, au bout de la ficelle tirées derrière lui, il imaginait un jour un bateau, l’autre une auto, et le plus souvent un animal de compagnie. Comme c’était très tendance en milieu catholique, mon père, aîné d’une fratrie de trois avant Joseph et Jean, fit ses études au petit puis au grand séminaire avec en ligne de mire la soutane que portèrent bien des aînés offerts à Dieu et à son Eglise. Au grand séminaire, il étudia les langues bibliques et la théologie biblique avant que ne vienne l’année de discernement de la vocation. Il s’y fit de super copains, dont Jean qui devint l’abbé Milon et resta son ami jusqu’à sa mort. Le recteur prit mon père à part à la fin de cette année décisive : il le voyait mal prêtre car scrupuleux à l’excès, il n’aurait pas pu supporter de confesser dans le temps imparti les pénitents venu s’agenouiller au confessionnal. Et le poids de tous ces péchés entendus lui pèseraient trop sur sa conscience déjà trop pointilleuse envers lui-même. Mon père rentra chez lui avec sa bible copieusement annotée du Chanoine Crampon (en parfait état de marche de jour de mon héritage) et trouva une autre mission à Saint Brieuc.

Mon père a, d’ailleurs, failli ne pas être mon père, et même de ne pas être père du tout. Jeune instituteur de vingt ans, il est devenu de plus en plus faible et de plus en plus blême. Ses collègues lui disaient qu’il sentait le sapin et ses amis qu’il avait déjà un pied dans la tombe. Il consulta le médecin de St Brieuc, sa ville natale, et celui-ci lui prescrit une prise de sang et lui refixa rendez-vous sous huitaine avec les résultats. Au vu de ceux-ci, c’est le généraliste qui blêmit et laissa échapper : leucocytémie, je ne peux rien pour vous Maurice. Tout cela pour vous rappeler que mon papa s’appelait Maurice et qu’il est ressorti de chez ce praticien en pire état qu’en y entrant.

Mon père, se retrouvant en arrêt-maladie de longue durée, avait depuis longtemps remplacé sa boite de sardines par une revue de mots croisés. En remplissant une de ses grilles il tomba sur « diminutif ou variante de leucocytémie ». En plaçant d’autres mot il obtint la réponse à cette énigme : leucémie. Très croyant, mon père ne pouvait admettre que Dieu le laisse mourir à vingt ans, aussi n’attendit il pas internet (mot même pas inventé en 1940) pour se lancer dans une odyssée sur…la recherche médicale. Il en parla même à son curé qui lui indiqua une piste sérieuse : l’abbé Berger, curé de Rouvres, venait de se rendre célèbre en soutenant à la faculté de pharmacologie de Bordeaux une thèse dans laquelle il avait combiné trois plantes, dont se servaient les médecins de l’Egypte des pharaons, ayant le pouvoir de guérir tout ce que la médecine allopathique de l’époque ne savait pas guérir, principalement les cancers et les tumeurs cancéreuses. Mon père, épluchant annuaires et bottins, finit trouver l’adresse de ce curé-chercheur et lui adressa une lettre pour demander à avoir accès à sa thèse ou à en recevoir la copie du chapitre concernant le cataplasme qui guérissait l’inguérissable. L’abbé de Rouvres lui envoya les deux : une copie de sa thèse, tapée à la machine à écrire, et une copie annotée dudit cataplasme ; Il avait nommé le mélange Rénovantes, car celui-ci pompaient les cellules cancéreuses et en régénérait des saines. Mon père remercia ce généreux curé et se mit à étudier seul la médecine à la Bibliothèque de Saint Brieuc, sans hésiter à emprunter quelques livres à son pharmacien. De ses lectures, il retint que la leucémie était un cancer du sang, plus précisément une multiplication anarchique des globules blancs ou leucocytes. Sachant très bien qu’un cataplasme n’atteindrait pas le sang, il découvrit ce ces leucocytes étaient fabriqués par la rate. Il faut savoir que le curé de Rouvres avait lancé un appel d’offre aux laboratoires de biopharmacie : il abandonnerait les droits de sa licence au premier laboratoire qui accepterait de commercialiser ses préparations dans une boite en carton recyclé et en inscrivant sur le dessus de la boite. La providence a mis dans les plantes des bienfaits dont il faut savoir tirer parti. Un laboratoire de Montreuil sous Bois obtint les droits sur cette licence, ce qui permit à mon père de commander plusieurs boites de Rénovantes à son pharmacien. Relisant les livres de médecine de ce dernier, il conclut que le cataplasme traiterait la maladie à la source, la rate, mais ne restaurerait pas son sang déjà contaminé. Dans la licence de l’Abbé Berger, il lut qu’en pareil cas il fallait boite sa tisane dépurative du sang. Mon père en commanda donc chez son pharmacien et se fit concomitamment des cataplames qu’il plaçait sur sa rate et des tisanes dépuratives du sang. De mois en mois, mon père retrouva sa couleur et sa force vitale. Après six mois de traitement régulier, il retourna chez son médecin ; Celui-ci constata qu’il n’avait plus devant lui le Maurice-mort-vivant de la précédente visite il lui prescrit une nouvelle analyse de sang assortie d’un nouveau rendez-vous sous huitaine. Comme mon père s’en doutait, son sang ne présentait plus la moindre trace de leucémie. Sortant de son congé-maladie, retrouva non seulement son poste d’instituteur, mais fut en sus nommé directeur de l’école de Saint Brieuc. Parallèlement, des membres de la famille et des habitants du secteur vinrent lui demander comment il s’était guéri de la leucémie. Mon père avait recopié dans un cahier toutes les formules des boites appelées Préparations du curé de Rouvres et avait même rédigé pour chacune un mode d’emploi très pratique. Je possède encore la formule (fénugrec, fenouil doux et grande consoude) et le tutorial des Rénovantes, si quelqu’un est intéressé…

Mon père n’a pas fait la guerre car il portait des chaussures et des semelles orthopédique à cause des ses pieds de plus en plus bots. Il se consacra à soigner bénévolement toute personne se présentant à lui. Ce savoir faire et cette disponibilité l’accompagnèrent bien au-delà de l’âge de la retraite, période pendant laquelle il comptait rédiger un livre sur le curé de Rouvres, sa licence, sa personnalité, les bienfaits de ses préparations etc

Arès la guerre, il n’y avait plus aucune opportunité de travail en Côtes d’Armor, aussi mon père prit-il la direction de la gare Montparnasse. J’avoue ne plus savoir comment il se retrouva au bureau d’embauche d’Air France. Il avait répondu à une annonce demandant un photographe publicitaire. Mon père manifestait une certaine audace que lui procurait sa foi et se présenta avec une assurance très convaincante qui lui valu d’être embauché sur le champ. Pendant la guerre, il avait raflé des appareils photos, des objectifs et des caméras aux Allemands et avait découvert leur maniement sur le terrain. Il s’agissait principalement d’appareils Kodack comme la célèbre Rétinette, boiter petit mais robuste avec son optique à focale fixe de 50 mm. Cet appareil aussi m’est revenu intact dans mon héritage.

Mon père avait plusieurs missions complémentaires : gérer le stock de photos patrimoniales du service Publicité du siège d’Air France afin de pouvoir mettre rapidement la main sur chaque photo demandée par le service des publications (le mensuel France Aviation, le calendrier Annuel, la revue Atlas etc), et bien entendu se rendre sur le terrain pour les photos hors stock ou d’actualité (tel président montant dans une Caravelle dans tel aéroport). Parallèlement, étant resté toute sa vie le seul photographe titulaire d’Air France, il formait des photographes débutants afin de pouvoir effectuer grâce à eux deux reportages simultanés dans le monde. Plus tard, il engagera des réfugiés de différents pays pour les former, leur donner un métier et la possibilité de trouver un logement.

Puisque sa voie n’était pas la prêtrise, il s’inscrit à l’AMC (Amicale du Mariage Chrétien) de Paris.

C’est là qu’il croisera Marie-Louise qui arrivait, elle, de Bourgogne.

Affaire à suivre.

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (509)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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8 Commentaires
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Khadija Elbahar (plume de marin)
Membre
13 décembre 2020 12 h 13 min

Un beau texte d’un grand monsieur ,bravo Jean

Pasqualini Marie
Pasqualini Marie
Invité
12 décembre 2020 11 h 23 min

Un extrait plein de délicatesse et poésie qui donne envie de lire la suite !

Valérie Carpentier
Valérie Carpentier
Invité
11 décembre 2020 20 h 13 min

cool

arcathyb@gmail.com
arcathyb@gmail.com
Invité
11 décembre 2020 20 h 03 min

Un monsieur extraordinaire de gentillesse pour qui j’ai ce soir une douce pensée. Tres beau texte.