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Cycle toulousain 
J’ai oublié le temps où tu moulais 
Nos grains et blés dans les meilleurs délais, 
Ce temps où, au fleuve, tu t’accolais 
Car tu n’est plus qu’une île. 
J’ai oublié l’année où une crue 
Te sépara de nous, les flots bourrus 
Ayant sur la rive, par trop, couru 
Et depuis lors t’exilent. 
Tu n’as plus que les étoiles pour toit, 
Le vent pour murs et l’aranhe, chez toi, 
A tissé des portes en fils de soie 
Que personne n’effile. 
Ruine devenue berge de buissons, 
Échouée loin des terres à moissons, 
Rive rongée de roseaux sans frisson, 
Te voilà inutile. 
Je ne sais rien non plus de ce Naudy 
Qui te donna son nom, un peu maudit, 
Quand la masse des massettes, pardi, 
Ne t’offrait pas asile. 
Naufragé d’un temps mort et enterré, 
Tu restes fier, debout bien qu’enserré 
Par des jonchées de joncs et lacéré 
Par l’Autan versatile. 
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 Perdu, un ciel souverain pour décor, 
Tu bois la lumière de l’été encor’, 
Sueur de soleil sublimant ton corps, 
Seul parmi les saules. 
Tu ne mouds plus que l’eau qui t’a tué, 
Et qui passe toujours sans refluer 
Pour lécher tes murs gris et saluer 
Les galets qui l’épaulent. 
Je me souviens de mon enfance, temps 
Où je te rêvais Caravelle autant 
Qu’îlot à Robinson quand le printemps 
Te rendait plus fragile. 
J’allais en silence te visiter. 
On était peu, alors, à s’abriter 
Chez toi : seul, l’être heureux, en vérité, 
A l’amitié civile ! 
J’ai connu le temps où les vibrations 
De l’astre renaissant, en variations, 
Dans un azur de hasard, sans passion, 
Te rendaient volubile. 
Entre herbes folles et pluie de papillons, 
Je guettais les remous, les tourbillons, 
Les contours incertains de tes haillons 
Que rognait l’eau hostile. 
J’ai vu d’autres temps où l’orgue du vent 
Et le clavecin de la pluie, souvent, 
Faisaient vibrer tes briques nues, l’auvent 
De fougères graciles. 
Pourquoi donc mes jours si mal équarris, 
Sculptés à la hâte de joies taries, 
Façonnés à la hache d’envies marries, 
Me ramènent ton île ? 
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© Christian Satgé – juin 2011 
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Merci pour votre très beau texte qui invite au voyage
J’ai vu d’autres temps où l’orgue du vent
Et le clavecin de la pluie, souvent,
Christian, doux mouvement musical, comme est votre écrit
merci à Vous
Ol
Patrimoine en péril… mais admirablement bien conservé dans vos souvenirs ! Beau texte
Très bel hommage à ce vieux moulin
gardant tous les beaux souvenirs de l’enfance !
Merci Christian pour ce partage
Chantal