La Roche-Posay (24-08-2013)
D’un monde qui se gangrène
Qu’est-ce qui me retient plus que la peine
Je n’en ai jamais assez de vivre
Et de l’eau qui m’enivre.
Qu’advienne que pourra du temps des antiques
Ô civilisations qui laissent leurs imaginations
J’en ai vu passer des Papes au travers mes yeux
Et de ma fenêtre, j’observe la honte qui me pique
Comme d’une moutarde monte l’inflammation
Je confesse en ce jour triste et pluvieux
Je rêve d’un soleil radieux et chaleureux
Qui me pousse sur les routes de la vieille cité
Le pont qui enjambe la Creuse s’offre à mes jeux
Quelques photographies immortaliseront la journée
Et les journaux du matin en cette fin d’août
Dont les titres déjà m’échappent, inconscient
De la folie des hommes, de bout en bout
Le donjon de la Roche-Posay me contemple, fascinant !
J’ai lu le nom d’une plaque d’une vieille ruelle
Qui m’a fait bien sourire, « la rue de l’écu »
J’ai par quelques explications données si belles
A ma fille Marine qui en tombait des nus !
J’ai vu ce matin la pluie chagrin verser des chapelets
De tristesse sur la cité de la Roche-Posay
Et voilà d’un ennui moribond qui m’enferme
Dans un deux pièces sans Wifi, le ciel blême
Ni azur bleuté, ni souffle chaud de l’été
Nous accompagne en cette fin de saison, ô rageux été !
Une cloche sonne la messe dominicale
Comme d’un chien qui aboie sans fin,
Et les pieux se retrouvent devant le seuil
L’esplanade se remplit d’une foule bigarrée fatale
Et cela discute de tout et surtout de rien
Qu’il est agréable d’être scotché à l’œil
Juste une contemplation comme Hugo aimerait
D’une description d’un instant figé comme le givre
Sur les cœurs, Une vieille dame en crinoline s’enivre
Des verbiages qui se meurent dans l’air de l’été
Voilà que la pluie a cessé à présent comme un cadeau
Du ciel, la lumière éclaire la foule de la Roche-Posay
Il est onze heures, vos jérémiades sont terminées
Vous allez pouvoir quitter la lumière, le Christ si beau
C’est la vie qui s’offre à la frontière de la Vienne
La Creuse s’étend majestueuse ornée de cygnes
Quelques pécheurs lancent à nouveau leur ligne
Ils taquinent le goujon, la tanche bien en peine
C’est les murs aux pierres vieillies opalines
Qui s’illuminent du soleil et de ses prières
C’est le record du monde du silence qui s’affine
A la hauteur de notre conscience pour demain sur hier
A la Roche-Posay, d’une tierce à ne rien faire
Une cascade sur la Creuse qui descend du moulin
Ces hôtels, ces restaurants qui s’animent en vain
Tandis que mes pensées s’endorment dans le fer
Martelé de mes chaussures de randonnées
Sept ou neufs kilomètres tout juste avalés
J’entends des enfants crier au lointain
Un panneau annonce sur fond vert et blanc
« Espace baignade », les anges hautains
S’envolent et plongent comme des cormorans
Ils crient, s’impatientent, de leurs fusils aquatiques
Se lancent des jets d’eau, touché-coulé à grands cris
Les vieux murs souffrent de la solitude et des tics
Des passants qui embrassent comme un défi
Quelques lignes blanches solitudes dans le zéphyr
Annoncent le passage du midi quinze, trop éloignées
Pour discerner la compagnie aérienne, au pire
Un quadri ou bi réacteur mugit au plus près
Semble à tire-d’aile s’engouffrer dans les nuages
Où vont-ils ? Tous ces avions transportant avec l’âge
Nos propres faillites… D’Amérique ou d’ailleurs
Qu’escortent quelques colombes blanches du bonheur
Puis l’heure de la sieste bienfaitrice et reposante
Plane au dessus des tertres au sein de la Roche-Posay
Certainement dans les songes qui me tentent
Le phénix qui engendre mon propre bûcher
Un instant voilé d’une torpeur brûlante égarée
Comme si le temps n’avait plus de prise ici à la Roche-Posay
L’angoisse et l’amour se confondent à ne plus faire qu’un
Si tu vivais tes derniers temps, les prendrais-tu ici incertain ?
Je contemple l’étincelle de ta vie qui brille
Ne te moque pas de moi, ô jeune fille
Comme si aimer n’était qu’un jeu sans enjeu
Et quelquefois tu me surprends peu à peu
Aujourd’hui, tu marches vers la Creuse, ta main
Ma main, d’un tableau attachant qui dépeint
Notre complicité, satisfaction d’une journée bien remplie
J’accrocherai aux murs toutes ces photographies
Le donjon de pierres blanches, arrogant
Comme les premières heures de l’amour
Le pont de la Creuse, aux pieds enjambant
Me rappelle à ton image à contre jour
Oh parle-moi, j’ouïs du souffle de l’amour
Ici dans les ruelles inondées toute l’année
Même quand il pleut des profondeurs
N’est-ce pas pour vivre la rose, la fleur
S’enivre des eaux de Mars, aux environs
De la Roche-Posay, depuis mil cinq soixante-treize
Et parmi les algues qui dansent, les poissons
Nagent sous les barques à leurs aises
Et tu m’observes quand je noircis les feuillets
De mes écrits sur la cité de la Roche-Posay
Le soir tombe lentement sur la ville
Nous irons du devoir accompli, jeune fille
Nous enivrer de l’essence de l’amour
Enflammer de désirs et de flammes
Nous empourprer de folies qui nous blâment
Te déshabiller dans ce magnifique contre-jour
Tu es le jardin de mon auberge,
Tu es la rivière où je me noie de plaisir
Et dans mes insomnies, rejoindre ta berge
Où le parfum des tilleuls berce nos rires
Et dans ton sommeil agité, tu énumères :
Te voici à Cassis, aux calanques majestueuses
Te voici à Saint-Macaire devant notre Père
Te voici, te rappelles-tu bienheureuse
Chez nous, songeant à la semaine passée
Déjà si loin maintenant, mais en ta mémoire
Je reste comme un tendre souvenir, à la Roche-Posay
Je repose dans l’éther du temps accordé chaque soir
Je t’attends à présent, moi qui suis parti le premier
Lâche de la vie, j’ai pour cette terre une immense pitié
De la quitter ainsi, sans un adieu aux arbres, j’erre
Dans cette urne, d’une fine poussière sur l’étagère
J’erre dans cette urne, moi qui aimais ma liberté
J’aimerai retrouver une semaine à la Roche-Posay
Vendre au diable ma liberté
Pour te retrouver à la Roche Posay.
© Hubert-Tadéo Félizé 24-08-2013