Le vrai monde est hors du monde : le véritable Univers, c’est le poème ! La Raison n’y rime à rien. On y entraperçoit parfois le mirobolant Là-bas, l’inatteignable Avalon céleste aux fruits délectables : ce sont les galaxies perdues où vivent, s’aiment et s’entretuent des êtres qui nous ressemblent quelque peu mais qui nous sont très supérieurs !
Les vers du bon poème peuvent fort bien sembler heurtés, déplacés, inversés, découpés, brisés, recollés, pratiquement illisibles ! On ne parvient pas à trouver leur souffle, car il y en a plusieurs qui se bousculent et s’entrechoquent constamment. Cet écrit si déconcertant et en dehors de tous les bons usages peut enfreindre à son gré toutes les règles de la grammaire. La suite extravagante de ses mots et des sensations que ceux-ci expriment, n’a rien à voir avec la logique, encore moins avec « le politiquement correct ». Le texte en est déraisonnable au point parfois de ne signifier RIEN, avec des vocables qui n’existent pas ou par trop barbares ! Il propose ses services comme passeur émérite vers la complète démesure ou vers un indicible qui se veut bien audible quoique non compréhensible ! Mais souvent il n’offre, au lecteur déconcerté, de le conduire jusqu’à la Terre Promise que pour mieux lui préparer une chute d’Icare carabinée ! C’est pourquoi le simple consommateur de recueils lyriques se sent trahi peu après qu’il ait refermé le livre inspiré ! En effet il ne retourne alors aux petits bobos ainsi qu’à des douleurs plus réelles de son quotidien… que pour les ressentir encore plus durement : ils lui deviennent encore plus intolérables qu’auparavant ! Il a le sentiment que le perfide chant à la langue fourchue, ne tient pas du tout ses promesses ! En réalité, c’est lui-même, liseur peu courageux et trop ancré dans son train-train, qui est parfaitement incapable de se maintenir plus longtemps à un tel niveau d’élévation ! Avec leurs exigences exorbitantes, les strophes qui ont le plus frappé son imagination, lui ont servi en fait de révélateur : elles lui permettent de bien mesurer la misère, partielle ou complète, de son existence ! La poésie doit changer sa vie sinon le petit bourgeois qu’il est habituellement, ressentira toujours un certain malaise lorsqu’il s’y sera replongé !
c’est la poésie du passé qui peut être difficile, c’est elle dont je parle, ce n’est pas la poésie d’aujourd’hui qui peut paraître difficile, car dans ce cas on ne la lit pas. Qui écrit encore des poèmes de nos jours ?
Bah ! un poème, c’est tout simple. Des émotions ayant trouvé des mots qui leur convenaient les déposent sur un support afin de les partager. Lesdites émotions parviennent ou pas à bon port comme une graine parvient ou pas dans le sillon où elle se plaira ou sur la terre aride où elle se perdra.” Je sème à tout vent !”
Le poème, c’est juste l’induction de nos sens vers leur expression.
SD