Se trouvant belle devant son miroir, une jeune divorcée se lamentait car à qui pourrait-elle plaire avec ses nippes usées : son pantalon jean troué et son tee-shirt très ordinaire ? De dépit, elle s’exclama : « Dis-moi, miroir, comment puis-je me vêtir et me parer pour séduire, dans une soirée mondaine, un bel et honnête homme, riche de surcroît ? » Contre toute attente, le miroir rétorqua, en s’exprimant avec la voix d’un homme d’âge mûr : « Tu n’as qu’à essayer les fringues qui sont déposées sur la table derrière toi ! ». De s’entendre apostropher et commander par un objet inerte, la dame faillit tomber dans les pommes ! Elle se retourna en tremblant et trouva sur la carante une magnifique robe blanche avec quelques dessins de fleurs bleues. C’est de la soie pure ! A côté, elle aperçoit des escarpins vernis argentés et un chapeau bleu en tulle très élégant et original. Elle essaya le tout, revint se mettre devant la glace et constata que cette tenue luxueuse lui allait à ravir ! « Mais je n’ai pas de bijoux convenables à porter », fit-elle remarquer sur un ton plaintif ! Son vis-à-vis en verre lui répondit : « Ne t’en fais donc pas ! Ouvre le tiroir de la commode, celui du dessus, et tu y découvriras un assortiment de collier et de boucles d’oreilles en cristal plaqué or ainsi qu’un bracelet de 18 carats plaqué or avec quelques merveilleuses perles. » Elle s’empara avec empressement de ce trésor ! « Mais si je suis riche, déclara-t-elle, je n’ai pas besoin de trouver un mari, je peux vivre seule et à ma guise dans un grand château ! » Toujours plus généreux, le miroir lui répondit : « Tu possèderas une fantastique forteresse entourée d’une épaisse muraille avec à l’intérieur uniquement une dizaine de tours les unes à côté des autres et de hauteurs différentes. » Alors l’image de son domaine lui apparaît sur la glace puis s’efface et est remplacé par une carte géographique lui indiquant l’itinéraire à suivre pour parvenir jusqu’à cette place-forte. Elle recopie donc ce plan sur un bout de papier. Ensuite elle met sur elle ces splendides vêtements et bijoux, prend son précieux miroir sous le bras, sort et appelle un taxi. Arrivée au château, elle est aimablement accueillie par les domestiques qui la conduisent à ses appartements personnels. Elle y constate la présence de plusieurs miroirs somptueux et apparemment neufs. Dès lors elle regrette d’avoir emporté avec elle sa remouchante usée par le temps. « Mon vieux rembroquant, je vais t’abandonner, dit-elle, car tu n’as pas ta place ici ! » Elle va le déposer dans une oubliette sombre au sous-sol. Le bon miroir en meurt de chagrin et explose en mille morceaux. Moralité : un miroir ne doit jamais parler à sa maîtresse ni lui faire de cadeaux, car il ne peut pas la rendre orgueilleuse ! . ©Raymond Delattre – 18/8/2018 |