Poème cavalier, à pieds le 13 juin 2016 – Guy Policisto

Dance en fleurs

Dance est née, ma pouliche Appaloosa,
Dans l’Aveyronnais, il y a trois ans de ça.
Elle y a grandit, au sein de son troupeau,
L’été courant les prés, et l’hiver à l’enclos.
Novembre était doux l’année de ses deux ans,
Quand j’ai changé sa vie, l’installant prés de moi.
Tout au long de l’hiver, tout au long du printemps,
Chaque jour j’ai voulu lui faire aimer ce choix.
Par de petits moment, simplement répétés,
Où rien ne se passe, tout semble arrêté.
Tous ces petits moments, autant d’éternités,
Tissent, au fil du temps, notre complicité.
Parfois, on nous voit avec de grands sourires :
« Tu devrais la faire travailler un peu plus !»,
Alors toujours broutant, je tiens à leur dire :
« Flexion de mâchoire, fait cheval détendu ! »
Grimpons sur la colline, chercher des herbiers,
Ici le sec arrive, il faut oublier,
Tous les bas côtés les pelouses ouvertes,
Belles étendues aux mâchoires offertes.
Un chemin dans les broussailles, rien à brouter,
Dans mon dos Dance s’alerte, faut-il monter ?
Un poney, sa cavalière, passant tout prés,
Dance fait la fière, veut courir après.
« Du calme ma Belle ! » Et vers la pinède
Gravissons ensemble cette pente raide.
Quand, sous les frondaisons, le sentier arrive,
La terre y est brulée, adieu verte estive !
Les pins s’envolent au ciel, il fait si chaud,
Leur ombre doit planer, accrochée tout là haut !
Fini le pâturage, l’herbe est consumée,
Le sol, sous les sabots, répand de la fumée !
Dance qui piétine, remue l’encolure,
Semble ne pas goûter au mieux l’aventure,
Son œil sur le côté : « Oh, tu exagères,
Pourquoi m’as tu guidée vers cette galère ? »
Le trajet n’est plus long, on arrive bientôt,
Parmi les oliviers qui couvrent le plateau,
Là nous surprîmes un jour, noyé dans les rameaux,
Un homme équipé d’un tout petit râteau.
Sur une bâche bleue, étalée proprement,
Il peignait les oliviers méthodiquement.
Ce lieu desséché, nous le quittons sans peine,
En suivant le versant qui clôt le domaine,
Jusqu’au point culminant qui regarde au levant,
D’où nos pas ne pourront nous perdre plus avant.
Ici la vue est libre, on voit le clocher,
Du village d’Allauch au milieu des rochers.
Les collines alentour ferment l’horizon,
Tandis que sous nos pieds s’entassent des maisons.
Vraiment il est temps, Dance n’est pas poète,
Un beau panorama n’est pas une vraie fête,
Seul vaut ce que la dent arrache et mâche !
D’un pas soutenu nous reprenons la marche,
Tout droit vers le vallon, sans couper la pente,
Car ici, rien ne peut combler nos attentes.
Sur un léger replat nous débouchons bientôt,
Un mur écroulé y fait comme un ressaut,
Le pas n’est pas si haut, pourtant quel embarras,
Quand mon regard déboule vers le contrebas.
Franchir ces moellons éboulés quelle affaire !
J’ai laissé Dance en tête, comment faire ?
Un petit pas, le second qui s’accélère,
Sur la pente emportée, Dance se libère.
La longe se tend, glisse, brûle ma paume,
Dance échappée sitôt fuit vers le dôme
D’un bouquet d’arbustes. Un étroit sentier,
Entaille les cistes, ouvre les lauriers.
Je la vois bientôt, au galop, disparaître,
Et moi stupéfait, ne parviens qu’à émettre,
Des cris désespérés : « Au pieds ! Aux pieds ! Aux pieds !  »
Que mes appels sont vains, hélas, il faut prier :
« Faites, ô Mon Dieu, qu’un autre l’aperçoive !
Ou que pour de l’herbe, bientôt, elle doive,
Interrompre, enfin, sa fuite éperdue ! »
Mes pensées s’entrechoquent, tout est suspendu,
Tout semble en moi figé, quand un bruit me répond :
« Tacatan ! Tacatan ! » Je reconnais le son,
C’est l’écho d’un galop qui remonte vers moi,
« Tacatan ! Tacatan ! » Je recule bien droit,
Mon dos dans les buissons. Il ne faut pas longtemps,
Pour que Dance toujours, poursuivant son élan,
Sans me voir me dépasse : « Tout doux, je suis là ! »
Alors très vivement, elle vire : « Holà ! »
Laisse mourir ses pas, son poitrail prés du mien.
Je l’accueille, la caresse : « Bravo ! C’est bien ! »
Le lendemain, Dance du fond de son enclos,
Accourut m’accueillir en prenant le galop.
Quelle surprise, quelle joie, quelle émotion,
Qu’elle porte sur moi si vive attention !
C’est l’unique occasion où elle le fit,
Tous les autres jours simplement elle hennit,
Puis viens de son pas lent vers la palissade,
Sur ma main tendue poser des embrassades.
Maintes et maintes fois nous sommes revenus,
Sur cette sente glissante de pierres nues,
Pour apprendre en la franchissant posément,
À rester ensemble : « Doucement ! Doucement ! »

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1 Commentaire
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Plume de Poète
Administrateur
15 août 2016 8 h 15 min

Merci pour ce beau partage poétique Guy, c’est une belle introduction très prometteuse !
Nous avons hâte de découvrir vos autres textes…
Au plaisir de vous lire,
Bien à vous,
Alain