Pastourelle – Christian Satgé

Cycle pyrénéen

 

Dis qu’attends-tu bergère,
En robe si légère,
Sur l’herbe du printemps
Que caresse l’Autan ?

J’espère, en pastourelle,
Que, du haut des tourelles
Du château de Lara,
Le baron me verra ;
J’espère, sous l’ombrelle,
Qu’au chant des tourterelles,
Il me reconnaîtra
Et, qu’à moi, il viendra ;
J’espère, jeune et frêle
– C’est chose naturelle ! –
Que, sans plus d’embarras,
Je connaîtrai ses draps :
Finies la pluie, la grêle,
Les airelles et les prèles !…
À moi soies, angora,
Carats et Baccara !

Dis que veux-tu bergère,
En robe si légère,
Sous ce saule attristant
Au milieu des broutants ?

J’attends, belle violette,
Des fleurs, des odelettes
Ou, bien mieux, le contrat
D’un juge ou d’un jurat ;
J’attends, toute seulette,
Un porteur d’épaulettes
Qui, femme me fera,
Quittant ce trou à rats ;
J’attends qui, bel athlète,
Brisera ma houlette
Et mes moutons vendra :
Ah ça, bon débarras !
À moi parfums, toilettes
Les bonnes qu’on soufflette,
Parures et apparat,
L’Alhambra, l’Opéra !

Dis que fais-tu bergère,
En robe si légère,
Tout près de cet étang
Sous la pluie, le beau temps ?

Je rêve à d’autres landes,
Aux neiges de Finlande,
Où l’on m’entreverra
Au bras d’un magistrat ;
Jetant ma houppelande,
Je me rêve chalande
Au souk de Bassora,
Au marché de Zara ;
Et je rêve d’offrandes
De perles en guirlandes
Venues d’un vieux verrat
Ou d’un beau scélérat ;
Je rêve, et je demande,
Qu’un brigand, chef de bande,
Nous vienne des sierras,
Me fasse zingara !

Tu déparles, bergère,
Et rêves à la légère :
Tu finiras mégère,
Et tes moutons suintants
Tu garderas longtemps
Car celle qu’exagère,
À l’amour étrangère,
N’est que fille à bon temps,
L’épouse d’un printemps,
Que l’on oublie à temps !

.

© Christian Satgé – mai 2011

 

 

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
13 juillet 2018 15 h 21 min

J’adore, et depuis,mon enfance, j’aime les moutons , il y avait un berger dans mon village , qui traversait la rue avec son troupeau.Souvenir de petite fille, merci Christian.