Mont Ararat
Ararat aux neiges éternelles
De Noé tu fus le refuge
Quand enfin surgit l’arc en ciel.
Pourtant le redouté déluge
Vint engloutir il y a cent ans
Dans des rivières de sombre sang
Le peuple qui te vénérait
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Présents depuis la nuit des temps
Ils vécurent bien des invasions
Aimant leur terre, ces paysans
Avaient une autre religion
On les traitait de mécréants
Point d’arche en vue, il y a cent ans.
Et la terreur s’avançait
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Vingt ans avant le Sultan Rouge
A déjà voulu leur saccage
La France sait, et rien ne bouge
Jaurès ravalera sa rage.
En silence meurent les arméniens
Ne laissant que des orphelins
Deux-cent mille victimes à peu près
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
1915 c’est la guerre
L’armée russe sauve ses frontières
Paysans devenus soldats
De la grande armée ottomane
C’est le moment pour les Pacha
D’exterminer tous ces profanes.
Intégrés ils se croyaient
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Les hommes valides sont dans l’armée
Ils seront pendus, fusillés.
Restent les femmes et les enfants,
Des vieillards et des impotents
Ils sont encore près d’un million,
Ça demande organisation.
C’est d’autonomie qu’ils rêvaient
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Alors s’ébranlent les convois
En plein soleil, on marche droit
Les prisonniers de droit commun
Feront la milice en chemin
D’Alep jusqu’en Palestine
On accompagne cette vermine.
Les mères n’ont plus aucun lait
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Ils meurent de soif, pas assez vite
Dans les gouffres on les précipite
Les plus belles femmes seront mariées
Quelques enfants sains, adoptés
Les éclopés, abandonnés
Les fatigués vite achevés.
Au bout, des camps les attendaient
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Pendant les marches de la mort
On massacre et on viole encore
L’Euphrate charrie le sang impur
Le mécréant a la peau dure !
Il faut mener ces survivants
Toujours plus loin de l’occident.
Alors leur Dieu ils suppliaient
Mont Ararat, qu’avaient-ils fait ?
Le monde resté placide
Devant ce fratricide
Lui dédia un nom fluide,
Celui de génocide.
Que reste-t-il de leur culture ?
Ces fantômes sans sépulture
Hantent les âmes des descendants,
Des bourreaux comme des survivants.
On ne peut effacer l’histoire
Toujours survivra la mémoire.
Peut-être un jour viendra la paix ?
Mont Ararat, qu’avons-nous fait ?