Mon frère que j’aimais tant – Bernadette Laroze

Enfants, nous nous aimions,  mon frère et moi, sans aucun doute. Il me taquinait beaucoup et je réagissais rapidement.

Et lorsque je me plaignais, maman me disait: “C’est ton

Frère”. Je devais accepter parce qu’il était mon frère

et cela était tout à fait normal pour moi.

 

Assis autour de la table au moment du dîner

mon frère commençait à me donner des petits coups

de pied et attendait ma réaction, qui était rapide.

“Arrête, tu m’embêtes” et nous commencions à nous disputer;

“C’est lui qui a commencé”  ”Non c’est elle” répondait

mon frère. Papa, énervé nous séparait. Cela arrivait souvent, mais c’était bien banal, il me semble.

 

L’attitude de mon frère a changé lentement, mais

surement, lorsque nous n’étions plus enfants.

Il avait huit ans de plus que moi, j’étais encore

une enfant lorsqu’il était adolescent.

J’étais une adolescente lorsqu’il était adulte.

À peine arrivée à l’adolescence il me critiquait

beaucoup. Mon écriture ne lui plaisait pas,

elle paraissait “trop gamine”, il me l’a fait

changer, et ce fut un désastre. Mon écriture

ne fut jamais belle après cela,  mais je n’ai

pas essayé de la changer.

 

Puis il est parti à l’armée et lorsqu’il venait

en permission, il critiquait tout ce que je

faisais: la manière dont je parlais, la façon dont

je m’habillais, les amis que je choisissais.

Cela ne m’aurait pas vraiment ennuyée si

maman n’avait pas eu la mauvaise idée de

lui donner raison à chaque critique.

Je  ne comprenais pas pourquoi

elle agissait ainsi. Lorsque mon frère était

absent, il n’y avait pas de problème entre

elle et moi, et aussitôt que mon frère

arrivait, l’atmosphère de la maison changeait

dans un déluge de demandes et de critiques.

Je ne comprenais vraiment pas l’animosité

de mon frère.

Je partais chez une amie et je revenais à l’heure

du dîner.  Un voisin avait même dit un jour:

“Son frère est arrivé, et elle sort”, et il ne me

faisait pas de compliment. Mais cela m’était égal.

Je voulais seulement échapper aux incessantes

plaintes de mon frère auxquelles s’ajoutaient celles de maman.

 

La situation  ne s’est pas améliorée au cours

des années. Il questionnait tout ce que maman

ou papa dépensait pour moi: les vêtements, les

chaussures, les sorties. Nous n’étions pas riches

mais j’avoue que maman me voulait toujours

bien habillée. Cependant, je ne portais pas du luxe.

Il me semblait qu’il avait peur que j’obtienne plus

que lui. Maman, se croyait de devoir lui donner des explications. Papa ne donnait pas d’explications,

parce que mon frère adressait ses rancoeurs à maman seulement, jamais à papa.

J’en arrivais à penser qu’il était  jaloux de moi et

à ce jour j’en ignore encore la raison. Les années

se sont écoulées  et tout escalada avec une

montée vertigineuse lorsque je rencontrais celui

qui allait devenir mon mari.

 

Mon frère  n’aimait rien de ce qui venait de lui,

et les remarques blessantes étaient dirigées

contre mon mari et moi. Un jour,  mon mari

parti pour le Canada. Plus tard je l’ai rejoint avec mon fils.

J’ai appris que dès mon départ pour le Canada, mon

frère  avait dit à mes parents, de m’oublier, que je

ne reviendrais jamais, qu’il fallait mieux penser que je n’avais jamais existé.

Il m’a aussi été dit bien plus tard qu’un oncle avait

fait la même réflexion à mes parents. À mon avis, ces

gens appartenaient au dix-neuvième  siècle. Ils n’ont jamais

vécu dans le vingtième siècle.  Ils restaient figés dans le temps.

 

Mon frère demandait que mes parents déménagent près de chez lui dans une banlieue au nord de Paris. Lui et sa femme avaient décidé qu’ils seraient concierges dans un immeuble près de leur domicile. De ce fait, mon frère et sa femme ne feraient plus le voyage en Bourgogne pour leur rendre visite. Mes parents étaient très attachés à leur village de Bourgogne

depuis 25 ans. Maman ne savait pas dire non à mon frère, elle

prit la pression sans vraiment donner de réponse.

Ce fut papa qui arrêta la conversation très rapidement, employant un seul mot: NON. J’appris cela bien des années plus tard.

J’imagine l’étonnement de mon frère  lorsque deux ans après

avoir émigré au Canada, je revenais en France avec

mon fils pour une courte visite de deux semaines.

Il habitait près de Paris, donc ce fut lui qui fut chargé

de venir nous chercher à l’aéroport.

Il fit le trajet de nombreuses fois, lorsque que je revenais pour une visite en France.

 

Je pensais avoir résolu le problème de la jalousie

en m’éloignant à l’autre bout du monde. Je croyais réellement

à l’époque que j’étais la cause de cette jalousie

totalement injustifiée. Même avec le recul du

temps, je ne comprenais toujours pas

d’où venait cet état d’esprit de mon frère.

En partant, je n’avais rien résolu.

Ma belle-soeur subissait le même sort, avec

des périodes de répit et des périodes d’insanité

qui pouvait durer des semaines. Cela a duré des années.

 

La pauvre était accusée d’avoir des amants

dans tous les magasins où elle faisait ses courses: le boucher,

le boulanger, le coiffeur, et d’autres encore.

Pour obtenir la paix pendant quelque temps,

elle changeait d’établissements.  Mais d’après

ce qu’elle me disait, toutes les accusations

de mon frère recommençaient. Rien ne

semblait assouvir sa jalousie.

Elle avait atteint les soixante-dix ans

et les accusations continuaient.

 

Elle m’avait avoué dans une de nos

conversations “entre amies” qu’elle avait

fait part de ses ennuis à son médecin.

Bien sur, mon frère refusait

toute sorte d’aide. Il l’accusait de

vouloir le mettre dans une maison

pour les malades mentaux pour se débarrasser

de lui. Lorsqu’elle me donnait toutes

ces informations, je me rendis compte

que mon frère était probablement déjà

au-delà de tout aide. À mon humble avis;

Il était consumé de rage, de jalousie,

et que sais-je encore depuis si longtemps

qu’il vivait avec ce démon comme une lente

maladie que le rongeait et qui ne guérirait jamais.

 

J’ai essayé au cours des années de comprendre

cette rancoeur, sans cause il me semble, et peut-

être, je dis bien peut-être j’en connais la cause.

 

Mon frère était mon aîné de huit ans. Il y eut entre

mon frère et moi, un autre enfant qui est né

trois ans après mon frère, et qui, au grand désespoir

de mes parents est mort en bas âge, à neuf mois.

Je l’admets, ce fut un drame pour mes parents.

J’imagine que mon frère était trop jeune pour

comprendre la perte que mes parents subissaient.

Il m’a été dit, ici et là que mon frère posa quelques questions lorsque le bébé n’était plus là, mais à trois ans, il a dû oublier rapidement.

Au cours des bribes de conversation de mes

oncles et tantes, il paraît que mes parents

choyaient mon frère au-delà des limites

de l’époque. Il était simplement terriblement

gaté. D’après ce que  j’ai pu comprendre

mes parents s’étaient installés dans leur

condition d’une famille de trois personnes.

Cinq ans plus tard, j’arrivais.

 

Est-ce mon arrivée qui fut le début de cette jalousie qui

a empoisonné sa vie et la vie de ceux qui l’entouraient?

À ce jour, je ne sais pas.

Il est maintenant parti et il n’a jamais

dévoilé ses secrets.

Et pour lui, sa femme, mes parents

et pour les autres inconnus qui l’ont

côtoyé, mon coeur est en peine.

 

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