Mémoires, pages 35 à 37 / 311, par Dominique Capo

Il existe, au cours de sa vie, de rares périodes de pure félicité que rien ni quiconque ne vient entacher. Bien que les années 2002 – 2004 aient été parsemées de drames et de profonds déchirements dans ma famille – une fois encore, rien que pour les relater, il me faudrait y consacrer un long texte explicatif -, dévorer le Seigneur des Anneaux, puis, dans la foulée, « les Misérables » de Victor Hugo a été comme un fragment d’Éternité qui m’a alors complètement submergé. Quelques semaines situées en dehors de l’espace et du temps qui se sont gravées pour toujours en moi.

Mais, au milieu des années quatre-vingts, au rayon librairie de cette grande surface, hypnotisé par la couverture de ces livres dont vous êtes le héros que je venais de repérer, j’étais loin de toutes ces considérations. J’étais à mille lieues d’imaginer les conséquences qu’ils allaient avoir sur mon destin. Jusqu’alors, je n’avais pas entendu parler du Seigneur des Anneaux, ou de d’autres romans d’Héroic-Fantasy. Ce qui m’importait surtout, c’étaient les publications les plus récentes qui s’étalaient : « La Citadelle du Chaos », « la Galaxie Tragique », « la Cité des Voleurs » ou « le Labyrinthe de la Mort ». Je suis persuadé que tous ceux qui lisent cette Chronique et qui se remémorent quelle a été leur réaction quand ils croisé leur route pour la première fois, savent à quoi je fais allusion. Cette béatitude auréolée d’émerveillement difficilement descriptible lorsque l’on n’y a pas été confronté soi même !

Ma mère et mes grands-parents allaient bientôt me rejoindre, et j’ai été soumis à une torture brutale. Lequel devais-je choisir ?

J’ai parcouru une seconde fois leurs résumés. Tous annonçaient des aventures palpitantes. Je les ai ouvert afin d’examiner les illustrations dont ils étaient parsemés. Elles ne m’ont pas secouru ; et il me décider s’est avéré encore plus laborieux. Et c’est la mort dans l’âme que j’en ai réinstallé quatre à leur emplacement d’origine. Puis, que j’ai déposé les deux que j’avais choisi dans le caddie de mes grands-parents lorsque ceux-ci sont arrivés à ma hauteur.

Le soir venu, évidemment, j’ai débuté leur lecture avec la même avidité, le même plaisir, la même intensité que lors de ma découverte du Sorcier de la Montagne de Feu. Et comme pour celui-ci, j’ai eu l’impression que les heures s’écoulaient en accéléré. J’étais transporté au point que chaque paragraphe faisait naître en moi des dizaines d’images. Une sorte de kaléidoscope de sensations étranges, de visions à la fois enchanteresses et terrifiantes a pris corps dans mon esprit. Plus je progressais à l’intérieur des lieux démoniaques, le long des chemins malveillants, dans des forêts, dans des cités dissimulant monstres et pièges ahurissants, plus j’avais le sentiment que j’y étais chez moi.

Une fois encore, je comprends que les émotions liées à ma découverte des livres dont vous êtes le héros puisse surprendre, voire choquer, ceux et celles qui décryptent mes pensées ici couchées sur le papier. Je ne les en blâme pas. Je le répète, il faut avoir été confronté à la puissance de ce ressenti pour l’appréhender. Sinon, c’est quasiment impossible de mesurer cette virulence qui s’est une fois encore emparée de moi.

De même que pour le Sorcier de la Montagne de Feu, il ne m’a pas fallu plus que quelques jours pour les terminer. Et j’ai aussitôt voulu acquérir les autres.

Désormais, à la moindre occasion, je me rendais au centre commercial avec ma mère et mes grands-parents. Mais contrairement à l’accoutumée, en franchissant son portique, j’interrogeais ma mère ou mon grand-père : « Est-ce que je peux aller au rayon librairie ? ». « Oui, me répondaient-ils invariablement ». Puis, peu interloqué par ma supplique, ils se dirigeaient vers les rayonnages de victuailles. Et moi, j’accourais vers l’endroit où les livres dont vous êtes le héros étaient alignés.

A suivre…

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