Mémoires, pages 13 à 15 / 312, par Dominique Capo

Bref, le jour où mon père est entré dans ma chambre les bras chargés des dizaines de titres qu’il avait récupéré au Ministère de l’Intérieur, j’ai été foudroyé de surprise. Sur mes étagères s’étalaient tous les ouvrages de la Bibliothèque Verte, de la Bibliothèque Rose, de la collection Rouge et Or que j’avais lu. Il y en avait d’autres issus de séries disparates. Mais je n’en possédais tout au plus qu’une petite centaine. Ce qui, j’en conviens, pour un pré-adolescent de douze ou treize ans, était déjà beaucoup. Comment aurai-je pu imaginer, ce jour-là, que vingt ou trente ans plus tard, mes étagères crouleraient sous les milliers de volumes ; au point que je serai obligé d’en transférer un certain nombre dans un lieu inoccupé de la grande maison de ma mère – un ancien presbytère d’une vingtaine de pièces – par manque de place ?

Je revois encore mon père pénétrant dans ma chambre, les bras chargés de livres, me demandant d’évacuer les étagères juste à coté de la porte d’entrée de celle-ci. Tandis que j’écris ces mots, la première chose qui me reviens à l’esprit, c’est la tapisserie verte qui en recouvrait les murs. Ce sont aussi les grandes étagères longeant le mur en face de mon lit. C’est ma table de chevet de l’autre coté de mon lit ; et dans le prolongement de cette dernière, mais perpendiculairement à elle, l’autre table sur laquelle était disposée la télévision – sans antenne car interdit de regarder la télévision dans sa chambre ! – me servant d’écran pour ‘un des premiers ordinateurs que j’ai possédé. Aujourd’hui, il serait considéré comme une antiquité. Mais à cette date, c’était une véritable révolution. Et il m’a ouvert la porte sur un univers informatique insoupçonné auquel je suis toujours profondément attaché.

C’est la grande armoire près de la fenêtre qui ouvrait sur le jardin potager de mes parents. Celle-ci possédait un petit parapet de fer forgé sur lequel je m’asseyais parfois afin d’observer l’extérieur. Je m’y installais de tout mon long et j’y rêvassais, tentant d’oublier les moqueries et les harcèlements de mes camarades de classe ; essayant aussi de chasser aussi les difficultés familiales que je voyais poindre à cause des nombreux différends s’accumulant entre mon père et ma mère. J’y observais enfin la ville de Playmobils que j’avais édifié dans le fond du jardin. Elle était situé le long du mur séparant notre propriété de la suivante. Elle débordait un peu sur l’amas de plantes – il me semble que c’étaient des fraisiers – installés là par mon père. Cet été-là, j’avais passé des après-midi entiers à la construire, à l’étendre, à fabriquer ses remparts, et aménager ses rues, à installer les différents personnages qui l’animaient.

Je me souviens toujours des reproches de mon père parce que j’avais bâti cette cité enfantine à cet endroit précis, et que cette dernière encombrait en partie le passage. Moi qui rêvait d’être félicité pour mon labeur, pour l’œuvre qui en résultait, j’ai été très déçu. Pour une fois que je sortais de ma chambre pour être dehors, les mains dans la terre, à amonceler des cailloux, des morceaux de bois, etc., je n’en n’ai retiré qu’indifférence ou reproches.

A suivre…

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