Lumbricina – Arnaud Mattei

Je suis un verre de terre, un lumbricina,                  

Celui qui rampe, celui qui ne sert à rien,                 

Un anonyme invisible, un brave soldat !                  

Et pourtant du futur, j’en suis le gardien,                 

Les autres m’ignorent, ils me piétinent,                   

Or de ma force, la terre tire son origine.                  

                       

Vert, rouge, bleu, blanc, noir, couleurs,                   

De ma biodiversité martyrisée, douleurs,                

De cette planète, petit closeau partagé                   

Du fragile, je suis la dernière forteresse.                 

Epigés, anéciques ou encore endogés                   

De toutes les espèces, je suis l’altesse !                 

                       

Tu me classes dans l’espèce ingénieur,                  

Quelle épitaphe, tu me fais disparaître !                  

Mon utilité ? C’est bien la méconnaître,                   

Car de tes résiliences, j’en suis l’acteur,                  

Comme le castor, le poisson, la fourmi,                   

J’aide la nature pour que survive la vie.                  

                       

L’insignifiant est toujours force porteuse,                

Sans lui, aucune société ne sera radieuse.             

Génie destructeur, chantre de ton malheur             

Tout inutile est utile, homme souvient-en !              

Rappelle-toi que sa rude noblesse de sueur,                      

Est mère nourricière du recommencement. 

                       

Tu soumets le labeur à ta seule puissance,            

Quête d’un graal, chimère de tes errances,            

Les essentiels te semblent négligeables,                

Alors que mon fertile t’est indispensable !               

Quand demain, le tout détruit sera le rien,              

Qui deviendra le lombric, qui sera l’humain  ?         

                       

Dans la galerie trépassée des destinées,    

Nulle trace de mon avenir, de mon passé.              

Dans le souterrain des souvenirs lointains, 

Je reste la nuit des temps, le précambrien,             

Un lumbricina, un simple petit verre de terre,          

Passant fragile d’un hier qui se désespère !

 

Arnaud Mattei, le 06 Août 2021

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Les poèmes sont cent, ils sont mille, ils sont uniques. Ils sont de toutes les cultures, de toutes les civilisations. Ils sont odes, ils sont sonnets, ils sont ballades. Ils sont vers, ils sont rimes, ils sont proses. Ils sont le moi, ils sont l’émoi. Ils chantent l’amour, ils disent nos peines, ils décrivent nos joies. Ils ont la force de nos certitudes, ils accompagnent nos doutes. Ils sont ceux de l’enfance, ils traversent le temps, car ils sont le temps. Ils ont la pudeur de la plume, la force d’un battement d’ailes. Ils sont ceux qui restent, ils prennent la couleur de l’encre sur le papier, sombres clairs, multicolores.
Alors ces quelques mots pour la souffrance de les écrire, pour le bonheur de les dire, pour la joie de les partager.
Des quelques poésies de mon adolescence retrouvées dans un cahier aux pages jaunies, d’un diplôme jadis gagné à un concours à mes presque soixante ans, il se sera passé un long moment de silence, une absence que le vide du temps ne saurait combler. Je crois avoir fait de ma vie, une vie simple et belle avec ceux que j’aime. Pendant ces quelques décennies, les mots sont restés au plus profond de moi.
Aurai-je la force de les dire, saurai-je être persévérant pour les écrire ? Et vous, les écouterez-vous ? Peut-être aujourd’hui, peut-être demain, peut-être maintenant, qui sait….

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