Je suis un verre de terre, un lumbricina,
Celui qui rampe, celui qui ne sert à rien,
Un anonyme invisible, un brave soldat !
Et pourtant du futur, j’en suis le gardien,
Les autres m’ignorent, ils me piétinent,
Or de ma force, la terre tire son origine.
Vert, rouge, bleu, blanc, noir, couleurs,
De ma biodiversité martyrisée, douleurs,
De cette planète, petit closeau partagé
Du fragile, je suis la dernière forteresse.
Epigés, anéciques ou encore endogés
De toutes les espèces, je suis l’altesse !
Tu me classes dans l’espèce ingénieur,
Quelle épitaphe, tu me fais disparaître !
Mon utilité ? C’est bien la méconnaître,
Car de tes résiliences, j’en suis l’acteur,
Comme le castor, le poisson, la fourmi,
J’aide la nature pour que survive la vie.
L’insignifiant est toujours force porteuse,
Sans lui, aucune société ne sera radieuse.
Génie destructeur, chantre de ton malheur
Tout inutile est utile, homme souvient-en !
Rappelle-toi que sa rude noblesse de sueur,
Est mère nourricière du recommencement.
Tu soumets le labeur à ta seule puissance,
Quête d’un graal, chimère de tes errances,
Les essentiels te semblent négligeables,
Alors que mon fertile t’est indispensable !
Quand demain, le tout détruit sera le rien,
Qui deviendra le lombric, qui sera l’humain ?
Dans la galerie trépassée des destinées,
Nulle trace de mon avenir, de mon passé.
Dans le souterrain des souvenirs lointains,
Je reste la nuit des temps, le précambrien,
Un lumbricina, un simple petit verre de terre,
Passant fragile d’un hier qui se désespère !
Arnaud Mattei, le 06 Août 2021
©2021 tous droits réservés