XXVII– Les filles des couloirs
Si je me souviens de tous les visages, de tous les noms et de tous les prénoms de mes copines de classe en Terminale, je n’en ai aucun souvenir pour celles des salles de cours à Clignancourt-Sorbonne. Par contre, ne sont jamais sorties de ma mémoire nos échanges dans les couloirs. Il est vrai que je n’avais pas perdu mon habitude à m’asseoir juste en face de l’intervenant et, de ce fait, je ne voyais et entendais que lui. Le syndrome du bon élève sûrement.
Cette superbe étudiante à la longue chevelure auburn me parlait à tous les intercours et sur la route nous ramenant au métro Porte de Clignancourt, et même encore quelques stations plus loin. Elle se prénommait Frédérique et était passionné par les mêmes livres que moi, aussi lui avait-je prêté l’intégrale des poèmes et chansons de Léonard Cohen et l’Art religieux du Moyen-âge d’Emile Male. Nous n’avions vu ni l’un ni l’autre la Tour Montparnasse qui était le « monument » incontournable de ces dernières années. Nous avions décidé d’y monter ensemble, tout en haut si possible, mais comme je pensais que prendre l’ascenseur seul avec une jeune fille n’était peut-être pas très correct j’avais aussi invité un « camarade de classe », le bel et grand François. Pour le grand évènement, j’avais passé un costume qui fasse un peu plus homme d’affaire que baba semi cool. En bas des ascenseurs, il y avait des vigiles contrôlant l’identité du tout venant. J’ai alors très sérieusement sorti ma pièce d’identité leur disant : « Monsieur Audrain, éditions Atlas ». De fait j’avais toujours 2 appareils photos autour du coup en sus d’une mallette de photographe et mon père était lui-même photographe pour le mensuel Atlas, en partenariat avec le service photos-publicitaire d’Air France il était le photographe officiel.
J’avais fait mon repérage et aperçue une plaque avec le logo Atlas. Pour ne pas perdre le moins du monde la face, j’ai appuyé le sur bouton du 10ème étage, celui de ces éditions. Tous les bureaux y étaient encore déserts, mais nous commencions à avoir une vue plongeante sur le quartier dans cette tour dont les murs sont des baies vitrées. Pour ne pas nous arrêter en si bon chemin, nous sommes montés au dernier étage . Evidemment, on ne servait rien au restaurant à cette heure de fin d’après midi, mais la vue sur le tout Paris qui commençait à s’illuminer y était aussi fantastique que gratuite. Je ne saurais dire pourquoi, mais à partir ce cette visite je n’ai plus jamais revu ni François, ni Frédérique, ni les livres que je lui avaient prêtés . De retour au rez-de chaussée, leur yeux brillaient. Il a du se passer quelque chose derrière mon dos à la descente des 60 étages de l’ascenseur tandis que je rangeais mes 2 boîtiers d’appareils photos, mes objectif et que je changeais mes pellicules.
Au diable les rouquines, une de perdue, dix blondes et dix brunes de retrouvées.
Vers 13 heures, je me suis offert un café à la machine entre deux amphis et je me suis assis sur une banquette confortable à côté d’une inconnue qui venait de quitter le distributeur, tasse à la main. Pas de meilleur sujet que le café pour aborder une jolie brune aux yeux bleus les plus étincelants de toute la Sorbonne. Elle se prénommait Marylise, mais très vite j’allais l’appeler Maryline dans mes rêves. Elle étudiait l’Anglais et attendait qu’une certaine madame Perrotin ouvre la porte de son amphi pour donner son cours de civilisation amérindienne. Elle me précisa même que le thème du moment était les tribus indiennes. J’ai aussitôt ajouté ce cours dans mon agenda de l’étudiant et je l’y ai bien volontiers accompagné. Elle aussi affectionnait les premiers rangs ; Sûrement une première de sa classe au Lycée. Nous nous regardions avec un sourire complice quand des étudiants s’amusaient à allumer une cigarette pour faire des signaux de fumée au fond de l’amphi et que cela mettait madame Perrotin hors d’elle en criant : « J’ai vu de la fumée ! Ne vous moquez pas de moi avec vos signaux de fumée, je sais bien qu’il n’y a pas d’indiens dans la salle ».
J’attendais avec impatience la demi heure d’attente de ce cours passée aux côtés de Marylise que je retrouvais toujours à la même heure sur la même banquette molletonnée. Nous avons parlé de nos projets et de nos rêves. Sans le savoir nous avions le même projet qui était encore comme notre même rêve : aller au Canada. J’étais un spécialiste de la chanson québécoise et nous avons parlé de Beau Dommage, de Beausoleil Broussart et du fameux concert de la Superfrancofête du Québec J’ai vu le Le loup, le renard ,le lion avec Gilles Vignault, Robert Charlebois et Félix Leclerc. Je crois même que nous avons entonné Quand les hommes vivront d’amour. Marylise me partageait aussi sa foi et ses engagements dans l’Église évangélique. J’étais si comblé de partager cette demi-heure à ses côtés sur la banquette de notre rencontre que je n’ai jamais cherché à la retrouver ailleurs. Savoir qu’elle m’y attendrait de mercredi en mercredi illuminait toute ma semaine. Un mercredi, il n’y avait plus de Marylise. C’était l’époque des partiels de fin d’année. Je suis revenu malgré tout prendre mon café sur cette banquette.
Je n’ai revu Marylise que plusieurs année plus tard dans l’« arène » de Bercy, au milieu de milliers de spectateurs venus écouter le prédicateur évangéliste Billy Graham. Marylise avait été jusqu’’au bout de son rêve et vivait au Canada où elle avait fondé une société de diffusion de vidéos évangéliques. Poussés par la foule en liesse, nous nous retrouvâmes à nouveau séparés.
Coïncidence ou providence, les mois qui suivirent, je fis connaissance de Myriam, une femme portant le même nom de famille. C’était l’une de ses tantes.
Elle m’appris que sa nièce s’était mariée. Je lui ai alors demandé de lui transmettre mon meilleur souvenir et mon désir de recevoir de ses nouvelles.
Silence radio qui m’étonna fort peu. Encore quelques années plus tard apparurent internet et les emails. J’obtins de sa tante l’adresse mail de Marylise et lui envoyai un long mail dès mon arrivée chez moi depuis l’un des tout premiers Apple McIntosh LC II.
Toujours aucune nouvelle en retour. J’ai alors demandé par courriel à cette tante si Marylise avait bien toujours la même email. Afin de le vérifier elle lui envoya un mail lui signifiant mon étonnement. Plusieurs mois s’écoulèrent avant que Marylise me réponde que l’adresse à laquelle je lui écrivais était sous la surveillance de son nouveau mari (elle s’était remariée) et elle me donna à titre confidentiel ses emails personnelle et professionnelle, m’apprenant qu’elle était enseignante et artiste peintre tout en m’invitant a découvrir ses œuvres sur son Facebook. A ma grande surprise j’y ai découvert non seulement les plus belle toiles jamais contemplées, mais aussi une photo d’elle à ses débuts, et une autre de sa fille Laura, elle aussi artiste peintre. On aurait juré voir deux sœurs. En découvrant cette dernière, je croyais revoir Marylise sur la banquette capitonnée devant l’amphi de madame Perrotin.
Comme par enchantement la boucle était bouclée. J’avais même deux Marylise sous les yeux, l’une aussi brune que sa mère l’était et l’autre devenue blonde maman, sûrement pour qu’on ne la confonde pas avec sa fille tant elle avait échappé aux outrage des ans.
Judicieux choix de distanciation par la couleur sinon, au jour d’aujourd’hui, je ne saurais plus qui est la mère et qui est la fille.
Après une rencontre bien agréable mais de courte durée, l’auteur connaît une relation plus prometteuse dans laquelle des projets semblent les unir; mais le destin en décidera autrement, la jeune femme étant motivée surtout par son attrait pour. L’église évangélique. Une déception pour Jean-Marie qui heureusement, gardera un contact, même indirect, avec cette personne.