Ruines de pierres ternies et jaunies, L’abbaye se survit, rongée par le lierre Et mitée de buissons sans cérémonie. Les ronces dévorent les jadis si fières Colonnes, piliers d’un foi en allée. Cette forêt assassine et pénétrante, Soulève un sol hier si bien dallé. Les vertes tonalités envahissantes Dominent désormais des murs effondrés, Un clocher mis à bas qui, encore, pleure La perte d’un bourdon de mousse saupoudré, Mais aussi, et ce n’est pas las un leurre, L’oubli des Hommes comme le fil du temps Qui l’ont mis à mal il y a si longtemps. | Sous les arcs abattus, des statues étouffent Dans leur carcan de nature, décapitées, Noyées de ces arbres pélerinant en touffes. Ici, des gisants aux formes dépitées ; Là, un reste de vitrail que la pluie délave La procession des lianes venues S’incliner – et pour prier ? – sur un conclave De bas-reliefs effacés, roc mis à nu, Érodé, au pied de croix agenouillées, Dans la lumière cendrée de cette aube Blessée, dans cet écrin discret et mouillé, Derrière l’écran d’un bois qui les dérobe. L’oubli des Hommes comme le fil du temps Les ont mis à mal il y a si longtemps. Ailleurs, on devine un cloître éventré, À quelques esquisses feuillues d’ogives Écartelées sur lesquelles cherchant ventrée, À gueule bec, des corbeaux, en récidive, Ricanent à voir si les rares âmes perdues Venues ouïr les défunts. En piteux restes, De vaines prières, en écho pendues Au Ciel si loin de ce sanctuaire agreste, S’accrochent aux bois, vouées à l’Eternel. Il règne partout une paix reposante Un accord resté malgré tout fraternel Entre Dieu et Création agonisante, L’oubli des Hommes comme le fil du temps Mettant ce lieu à mal depuis si longtemps. . © Christian Satgé – juillet 2018 |
Magnifique écrit, magique, Il reste je pense plus encore dans ces lieux de ruines que dans des couvents églises et autres ruines
que j’aime ce ressenti…
Anne
Magnifiquement écrit, cet endroit est magique et rempli de poésie, chaque pierre parle, c’est un havre de paix, comme je le ressens chaque fois que je vais à Vauclair, dans ce qu’il reste de l’abbaye cirstercienne.
Et oui, l’oubli des hommes. La culture l’art, l’histoire, le passé,souvent quand tout va mal, on fait en sorte de les effacer, pour pouvoir recommencer à chaque-e fois les mêmes erreurs.Un meuble antique, une vieille abbaye ou ce qu’on nomme les antiquités, c’est tout une histoire qui dort et qui a fait notre présent et contribuera au futur.
Mais on a tendance à les effacer de notre mémoire collective et faire du passé table rase pour refaire les mêmes erreurs qui profitent à certains. Très bel écrit, j’aime beaucoup.