Le vieux blues man – Anne Cailloux

C’était une habitation typique de ce coin des États unis, cela ressemblait plus à une case créole, qu’a une demeure coloniale, qui à l’époque appartenait toutes, à des maîtres esclavagistes

Cette maisonnette était en bois clair, d’un jaune très pale, entouré de champs de coton, de cannes à sucre et d’une bonne odeur de tabac frais.

L’homme était dehors sur sa terrasse se balançant sur son vieux rocking-chair. Dans ce coin de l’Amérique, c’était inconcevable, de ne pas avoir cet objet sur sa terrasse. Il y a certaines choses que tout Américain devait posséder obligatoirement. Un drapeau du pays, du beurre de cacahuète, du ketchup, du Jack Daniel’s, un rocking-chair et une certaine arrogance du fait qu’ils soient américains.

Ce vieil homme, au visage buriné par le soleil, était là, les yeux fermés, il se balançait et fredonnait un air de blues, passé de mode. Cet homme possédait une voix roque venue du passé, une voix comme il en existe plus. Le temps c’était arrêté une fois de plus dans ce coin perdu des USA.

L’homme sourit, il se mit au fond de son fauteuil et partit dans le temps où il était gamin. Dans une époque où les noirs ne se mélangeaient pas avec les blancs, ou il était même interdit de regarder une femme blanche dans les yeux, où, sur tous les restaurants, était consigné «  interdit aux chiens et aux noirs »

Son père avait été esclave, ainsi que son grand-père, mais ils avaient eu la chance d’être affranchis par leurs Maîtres, ils étaient considérés comme « libres». Ce sont ces hommes-là qui avaient inventé le blues, ils chantaient et pleuraient leur peine et leurs maux, en se languissant ou en accélérant le rythme, au fin fond des cales de bateaux ou dans des champs de canne à sucre.

L’homme se souvient de ces années, où il cirait les chaussures des blancs. Son atout avait été sa voix, il chantait comme un dieu et tous étaient très étonnés de voir un petit gars de 11 ans fredonner le blues comme personne. C’est pour cela, qu’il recevait plus d’argent que les autres.

C’est ainsi, qu’il avait pu s’acheter sa première trompette. Quand il eut 17 ans, il rencontra d’autres jeunes, qui comme lui avait une passion pour la musique.

Les années passèrent entre café et piano-bar, heureusement les mentalités commencèrent à changer, quelques années plus tôt, aucun blanc n’aurait mis les pieds dans ces cabarets, mais dix ans plus tard, certains blancs venaient le samedi soir danser, au rythme de cette musique bien agréable. Il n’était pas rare de voir autant de noirs que de blancs et les femmes n’étaient pas en reste. Le temps et leur gentillesse avaient œuvré pour ses hommes, ils étaient enfin perçus par certains, comme étant des hommes et non pas des bêtes, mais pour en arriver là, ils avaient dû jouer au funambule sur une corde où les têtes y étaient souvent accrochées.

Plus tard, il rencontra Slim Harpo, à l’époque où l’apartheid était encore une évidence, pas facile de vivre avec cela. Il se mit à jouer du banjo avec ce grand homme. Ils avaient représenté le blues rural dans les bars de bâton rouge, le delta blues et les Rolling Stones, avaient étés largement influencé par ces hommes, ils avaient repris « Shake your Hips » Éric Clapton avait, quant à lui, repris de nombreuses chansons de ces icônes locales.

Il était un homme connu et respecter de tous , mais de temps en temps ses racines et ses vieux démons revenaient, ça lui prenait les tripes.

Il paraît alors dans cette rue, où il avait été cireur de chaussures. il n’avait plus rien d’autre que sa trompette, son cœur en déroute et son histoire d’esclave.

Alors, il venait pour jouer au crépuscule.

Ce soir, l’astre faisait pâle figure, mais de temps à autre, il jouait les soirs de pleine lune et tous les quartiers  se donnaient rendez-vous pour ne faire qu’un, et le mettre sous les feux de la rampe. Il aimait se remémorer ces années, ou il n’était rien qu’un métis de plus.

Quelques rats venaient se mêler à ce concert perdu, entre les poupées vaudous et quelques reste de jambalaya. Ce soir, il était l’un des leurs, une fois de plus. Il repartira bien triste, il donnera quelques billets à ses frères de misères et pensera que certaines fois, la célébrité à un gout amer et que, quoi qu’il arrive, on n’oublie jamais ces racines.

 

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Anne Cailloux

Anne Cailloux (334)

Depuis ma naissance, je fus autodidacte et trop rêveuse.Spécialiste dans l'art thérapie et les maladies neurodégénératives, j’essaie de retenir le temps des autres et du mien.. Quelques diplômes, une passion pour l'art et les poètes. J'ose dormir avec Baudelaire.Je suis une obsédée textuelle . Je peins, je crée et maintenant j’écris. Je remets cent fois mon ouvrage pour me corriger. De quinze fautes par lignes je suis passée à quinze lignes pour une faute... Deux livres en préparation et peut-être un recueil de poèmes, si Dieu veut.Anne
Je suis une junky des mots..

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Philippe X
Membre
29 juillet 2017 6 h 01 min

Que j’ai aimé ce voyage “dans le présent”..j’ai à mon tour fermé les yeux et doucement je me suis balancé au rythme d’un Johnny lee Hooker….la musque pour toute évasion..”.Satch’mo ” l’avait bien compris, il sortira du ghetto….qu’il est difficile d’admettre et de comprendre que la misère puisse nous donner des ailes !

Véronique Monsigny
Membre
23 juillet 2017 18 h 53 min

comment croire que cette époque n’est pas si lointaine. Si j’étais née noire en Virginie, que serai-je aujourd’hui ?…
Merci pour cette belle évocation.