Le Printemps
Tandis que l’hiver s’enrhume
Et fuit le pays, grelottant,
Mars qui rit malgré la brume,
Annonce à grands cris le printemps !
Se moquant du tonnerre d’avril,
Les hirondelles sont de retour,
Et vont d’un coup d’aile fébrile
Nicher sous les toits alentour…
Siffle beau merle persifleur !
Il est venu le temps nouveau,
Des calèches et des chevaux,
Des mariages couverts de fleurs !
Claironnant comme un cor au bois,
Le cygne en parade amoureuse,
Bat d’une palme vigoureuse
L’onde où son aile glisse et flamboie !
Cet amoureux des calmes eaux,
Arborant son costume d’ange,
Nous lorgne de façon étrange,
Puis, disparaît sous les roseaux.
Eveillés par un coq soldat,
Coquelicots et renoncules,
Saluent l’odorant réséda,
De l’aube jusqu’au crépuscule.
Des pavots en robe d’évêque
Réunis en conclave saint,
Psalmodient des prières avec
Des fleurs jouant du clavecin !
Sanguinolente, effarante,
Voici la fleur que je préfère,
Qui brûle aux pieds de Lucifer,
C’est pas l’œillet, c’est l’amarante.
Ouaté dans sa parure d’ange,
L’hiver a fui en un clin d’œil ;
Alors que chantait la mésange,
Seul un corbeau portait le deuil…
Vallons rieurs, prés verdissants,
Clarines au joyeux tintamarre,
Mufles rôdant auprès des mares,
Ruades, chevaux hennissants,
Le lent troupeau redémarre.
Il s’en va conquérir la lande,
Sous la houlette des Pastoureaux,
Tandis qu’au vent les houppelandes
Dévoilent d’éclatants agneaux !
Quand se dissipent les aubades,
L’on n’entend plus que le grelot,
Des animaux en dérobade,
Et le son feutré des galops.
Des floraisons exubérantes
Etouffent les tapis herbeux,
Et le cri des passions ardentes,
Et le mugissement des bœufs.
C’est le grand rut solennel,
Dans la campagne où tout s’éveille,
Le tourbillon sempiternel
Des fleurs de neige au soleil !
Sur ta grande lyre amoureuse
Qui vibre et sonne entre tes doigts,
Toi l’ange aux ailes douloureuses,
Apaise mes démons sournois !
Dis aux fanfares rutilantes,
D’entonner de glorieux concerts,
Dans la clairière ruisselante
Où gronde le brame du cerf !
Mais, dis surtout au rossignol,
Qu’il soit le joyeux troubadour,
Sachant tourner la carmagnole,
En une romance d’amour !
Or, le ciel changea de couleur,
Ravivant mes pensées moroses,
Un corbeau chanta ma douleur,
Je ne vis point s’ouvrir les roses !
Saison où brame le daguet,
J’ai peur qu’à son tout premier bal,
Tu fasses danser le muguet
Avec les plantes cannibales !
Méconnaissant la botanique,
Je tremble que les amis de Fabre,
Ne tombent aux gueules sataniques
Des fleurs avaleuses de sabres,
Que ces dévoreuses d’insectes,
Tyranniques et redoutables,
N’ouvrent leurs gosiers infectes,
Avant de festoyer à table !
Puis, mal de leur festin macabre,
Qu’elles n’aillent, ombres fantomatiques,
Vomir un sang couleur cinabre
Parmi les plantes aromatiques !
Je crains surtout, la nuit venue,
Quand cesse le chant des cigales,
De voir bondir, pattes velues,
La tarentule et la mygale !
Tel un canon crachant le soufre,
L’orage explose, tonitruant,
Toute la forêt tremble et souffre,
Sous les assauts de ce truand !
Quand le tumulte enfin s’endort,
La nuit berceuse des amants,
Accroche des étoiles d’or,
A la nacelle du firmament !
Au matin, je m’étire les lombes,
Le rêve a fui, je suis tremblant ;
A ma fenêtre une colombe
Lustre son beau plumage blanc…
© D marcellin gros
Très beau poème, merci Daniel.