Le Curé de Thuret… – Philippe X

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     Le curé de THURET

    Il est dans la vie des rencontres qui font que tous les aprioris que vous aviez sont mis à mal, surtout   lorsqu’elles vous procurent du bien être.

    Nous étions sur le Voyage depuis bien des années, les hasards de la route nous avaient conduits dans le Bourbonnais.

    À cette époque, nous vivions une vie de nomades, le bonheur que nous offrait la Liberté était présent à chacun de nos jours, et je le reconnais, je suis devenu nostalgique de cette vie.

    Depuis un trimestre, nous parcourions les communes limitrophes du Puy-de-Dôme et de l’Allier, exerçant nos professions de commerçants non sédentaires.

    C’était la vie que j’avais choisie, et j’en assumais les « petits désagréments » que ma profession occasionnait.
    En portant une armoire ancienne, « je m’étais coincé les reins ». Une méchante sciatique me faisait traîner la patte.

    La patronne d’un bar de campagne, dans lequel j’avais établi ma cantine, m’avait fourni l’adresse d’un rebouteux qui faisait des miracles….,Miracles ?…. il pouvait, il était curé de campagne.

    Avez-vous remarqué que le substantif « de campagne » fleure bon le naturel, la confiance en les traditions, il vous ramène aux vrais valeurs.
    Il en est de même pour un pain, pour un pâté, comme pour un curé.

    J’avais besoin d’un point de chute, d’une référence pour exercer mon métier de chineur ; la patronne que nous fréquentions nous renseignait sur des coups de commerce, des adresses, et sur l’actualité des villages.
    Ce bar épicerie était une plaque tournante du renseignement.

    Je remerciais la Bougnate pour sa précieuse recommandation, mais une phrase, au sortir de son café-épicerie, aurait du freiner mon enthousiasme :

    « vous verrez bien, il est spécial.. j’espère que vous lui plairez.. »... qu’était-ce à dire ?

    Dans l’église de Thuret, village de Limagne, on célèbre deux cultes,

    – Celui de saint Bénilde, alias Pierre Romançon, né à Thuret en 1805, et mort en odeur de sainteté. cinquante-sept ans plus tard à Saugues (Haute-Loire).
    Cet instituteur religieux incarnait l’humilité, la persévérance, le dévouement et le courage.

    – Celui des ondes cosmo-telluriques. Ces cultes font de cette église un lieu connu dans la France entière, et au-delà.

    Le Rachaï recommandé par la Bougnate était le père CHABRILLAT.

    J’ignorais tout de ce personnage et de son caractère. J’appris par la suite qu’il état un défenseur des Gitans.

    Lorsqu’il apprenait, par exemple, que des propos racistes avaient été tenus à l’encontre de pèlerins gitans, son sang ne faisait qu’un tour : « Tous les hommes sont enfants du même Père des Cieux, et Jésus est mort pour tous. Certains ont besoin de refaire leur éducation chrétienne dont l’humilité est la vertu magnifiée par saint Bénilde » .

    Par ce ton, par les propos qu’il tenait, par son indéniable charisme également, le père Chabrillat fédéra autour de lui et de saint Bénilde une communauté fidèle, unie dans la dévotion.

    Un matin où cette satanée sciatique me sciait la guibolle, la décision d’aller consulter le « bon père CHABRILLAT » s’imposa d’elle-même.

    Avec grande difficulté, je prenais la route de Thuret, réussissant, in extremis, à stationner mon fourgon près du sanctuaire dédié à Saint Bénilde.

    La porte de l’église était ouverte, en claudiquant, je gagnais avec grande peine le chœur, et je m’ écroulais sur un des bancs, face à une porte basse donnant accès à la sacristie.

    Reprenant des forces, je réussissais à me hisser en positions assise.

    Une pancarte, fixée sur cette porte, indiquait : ” qu’il était inutile d’attendre Monsieur le Curé, il n’accordait aucun rendez-vous.”….Grande solitude.

    Un sorte de malaise m’envahit, mélange de dépit, de colère, m’invitant, non pas à prendre les jambes à mon cou, mais à dire ce que je pensais vraiment à la Bougnatte.

    La fraîcheur qui régnait en ces lieux, le calme, me firent frissonner.

    Au moment de repartir, un homme dont je n’avais pas soupçonné la présence, me saisi par l’avant bras, il me dit « le père va vous recevoir…. allez dans la cour chercher de l’eau… vous trouverez un seau, allez le remplir à la fontaine ».

    Sans attendre ma réponse, il me laissait interloqué… je devais porter un seau d’eau.. moi qui étais incapable de mettre un pied devant l’autre… C’est sûr, il avait, pour son déjeuner, le matin même, mangé un clown !

    Sans plus attendre, avant qu’un son ne sorte de ma bouche en forme de cul de poule,, l’inconnu me dit « ..un seul seau suffira. .portez-le dans la sacristie.. ».

    Oh le fou !, l’effronté, le malfaisant…je vais le pulvériser, le mettre sur orbite !

    Je restais seul, pantois, les bras ballants… et sans comprendre ce qu’il était advenu de ma sciatique et de « ce candidat au suicide » je fonçais droit dans la cour pour remplir un seau à la fontaine.. bien plein.. je le verserais sur la tête de ce malotru….

    Ni une ni deux, je fonçais l’esprit revanchard, l’écume aux naseaux, la tête baissée… il y avait de l’orage dans l’air…. la charge de la brigade légère, à côté de ma détermination,  ressemblait à « la pavane de l’infante défunte ».

    Je retrouvais l’ignoble individu dans son antre, pour sa seule défense, il osa : « Ah bien ! tu vois… tu marches à présent.. pose le seau.. je vais en finir avec toi » .

    Après avoir prononcé quelques phrases inaudibles et inintelligibles au « bœuf  inculte » que j’étais, il me mit dans les mains jointes une image pieuse.

    Cette image était à l’effigie de Saint BENILDE alias Pierre ROMANCON.

    Quel choc ! Le « Padre » s’était bien moqué de moi en toute légitimé, si j’osais, je vous dirais qu’il m’avait bien fait marcher !

    La suite de ce tour « d’ attrape couillon » a peu importance, j’ai pu reprendre une vie normale de nomade, et ce qui s’est passé au fond de mon cœur ne regarde que St BENILDE et Moi.

    Cette image, je la porte avec et en moi depuis cette rencontre, et en ces temps de tempête, elle resurgit.

    Avant que vous ne tourniez la page, en pensant ce qu’il vous plaira de penser, j’attire votre attention sur quelques mots tracés de la main du curé de Thuret.

    De sa main il a écrit « BON COURAGE »…me remémorant qu’au moment de notre séparation, il m’a dit « vous allez en avoir besoin, votre vie sera difficile ».

    Une mention spéciale écrite de la main de ce « diable de Curé » : BOIRE

    Je puis vous affirmer qu’il avait raison…

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©Philippe X – 27/05/2020.

           

 

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9 Commentaires
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Christian Satgé
Membre
28 mai 2020 9 h 17 min

Un très beau texte – et une belle histoire – sur la tolérance et cette ouverture d’esprit qui manque à tant d’êtres avec ce qui’l faut d’humour de a vie, le vrai, le seul celui que ne peuvent inventer – ni même imaginer – nos humoristes appointés et si peu fins pourtant. Bravo et merci…

Invité
28 mai 2020 9 h 16 min

Un récit drôle qui m’a fait rêver.

Invité
27 mai 2020 11 h 00 min

Merci Philippe pour cette très belle histoire …
Rester ouvert, écouter, accepter… Parfois, la sagesse nous guide !!!…
Amitiés

Chantal