Comment le poète chante-t-il le couple ? Comment le décrit-il ? A travers les siècles, sa parole a porté l’offrande et le don, l’expression et le sens du mot le plus beau du vocabulaire ” AMOUR “.
O ma fiancée qui s’avance
dans l’aurore radieuse et l’envol blanc des mouettes belliqueuses ;
la mer râle au loin son chant de vacuité
et tes longs cheveux qui glissent sur tes hanches sont algues lissées par les flots.
Ma fiancée, mon amante, plus douce à mes lèvres que pulpe de mangue,
plus belle à mes yeux que feuille d’acanthe,
à ma langue plus suave que grain de coriandre,
sois celle qui te dresse et te tiens en vigie, face à moi qui te somme,
face à moi qui te nomme, somptueuse riveraine.
Jamais vaisseau ne porta haut ton lignage,
jamais lame n’abreuva l’espace de tes voiles, au large,
où la mer croise le remue-ménage de ses vagues.
Grande écorce qui vibre sous tes dunes,
tu offres au regard tes combes et tes lagunes
et l’alternance des saisons joue aux dés l’or de tes feuillages.
Ma fiancée, mon amante,
en toi est mon jardin,
en toi est mon enfance,
et je suis là à mon ancrage,
femme fleur, femme fête, femme paysage.
Te voir, te toucher,
est-ce assez pour l’écueil imparfait où la chair se prend ?
Flamboiement aux artères que le sang divise,
ici le cœur s’empale à son désir,
rien ne ravaude le temps qui se presse à ma mesure. Rien !
Est-ce assez que la loi brise l’élan et courbe l’échine de l’éclair ?
Est-ce assez l’imposture pliée aux quatre coins du rectangle ?
Cercle divinement dilaté, sans rayons, ni sécantes,
j’ai mal où ma douleur m’emporte.
A l’avivement du feu, le segment de la pierre,
l’enlacement des ténèbres, là où se creuse la fulgurance.
O aimée, mes lèvres jointes sur le mot retenu !
Te dire, te parler,
radier jusqu’à la plus folle exaspération des sens
et l’eau sur la blancheur de tes bras…
Je n’ai pas d’écoute. La voile porte haut mon message
et le sillage rompt les amarres trop savamment tendues.
Être toi plus vrai dans ma vérité partagée
et notre couche ouverte aux effluves de l’été,
cette saveur de sel quand la marée diffuse ses embruns
et la pointe aiguë de l’alliage au sommet de l’alliance.
Ma fiancée, ô ma fiancée, regarde-moi.
Sur ton visage ai-je assez posé l’empreinte de mes yeux,
torche vive, ai-je assez consumé la pulpe de tes doigts !
Ne cabre pas ton corps à mon insistance,
ne me défie pas de ton indifférence,
haute jusqu’à l’ultime, à notre coupe
bois cette liqueur d’ellébore.
Ta main dans la mienne
nouée comme un œil épissé,
doublement lové en son orbe.
Gansé de salive est mon baiser sur ta nuque
et je suis devant toi, coursier d’étoiles sur les grès,
joueur d’élodion dans la pénombre des chambres,
où les servantes tiennent captifs des plaisirs très secrets.
Mortel est le désir qui affame mon âme ;
désir d’elle, femme aux rives immortelles,
antienne, vibrante antienne en l’honneur de toi.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
Extraits de ” Profil de la Nuit ” – Le chant de Malabata ( Antienne ) Editions L’étoile du Berger ( 2005 )
Ce poème a d’abord été publié par Guy Chambelland / Le pont de l’Epée en 1986, a été couronné par l’Académie française en 1987, re-publié par “Les cahiers bleus” en 2001, a fait l’objet d’un spectacle au château du Barry de Louveciennes et d’une émission de radio de Pascal Payen Appenzeller et se trouve désormais inclus dans ” Profil de la Nuit – un itinéraire en poésie“.
Merci, Armelle, pour ce magnifique partage que j’ai lu et relu avec un plaisir toujours plus grand.