Le bon jardinier – Christian Satgé

Petite fable affable
 
À vouloir connaître « la Chose »,
J’ai étreint tant et tant des roses 
Qui m’ont meurtri au sang les mains,
Et le cœur aussi, en chemin,
Car j’ai confondu, dans ma liesse,
La marguerite, cette ogresse,
Et l’immortelle. C’est humain !
 
Je fus en la vieille Angleterre
Pour y cacher, sans baratin,
Hasard de la vie ou destin,
Mes déconvenues. Puisqu’à terre,
Pour un riche propriétaire,
Je me fis humble jardinier
Et à ce labeur m’ingéniais.
Madame en était fort contente
Une main sûre et compétente
S’occupait bien de son gazon,
Faisant la gloire en sa Maison,
De la vallée aux monts, dès l’aube.
Ça je la méritais ma daube,
 Binant, arrosant,… à foison !
 
Mais Monsieur aimait ma brouette
Aussi, mon ardeur et mon dail.
Cela m’assurait un bon bail
M’épargnant des jours de diète
Dans ce pays de pique-assiettes.
Et puis je commis une erreur ;
Impardonnable, j’en ai peur.
Car j’ai semé, matin, bonne âme,
À la demande de Madame,
Qui voulait que rien ne flétrît
Ni ne fanât en sa patrie,
Quelque graine. J’y fus habile :
Il en sortit un fruit gracile ;
Roux comme moi. Cela surprit.
 
Donc, pour la rumeur faire taire
Comme un larron je fus chassé
Et dis à Monsieur, un agacé :
« Comme le dit notre Voltaire,
Peu candide contestataire :
“Il faut cultiver son jardin”
Oubliant “soi-même”, badin ! » 
 
© Christian Satgé – juin 2015

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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6 Commentaires
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Annie Viti
Membre
19 mai 2017 22 h 24 min

IRIS !! non! non ! là c’ est annie ! attention christian !il faut garder les idées claires , pour continuer à nous régaler ! amicalement annie

Annie Viti
Membre
14 mai 2017 12 h 14 min

CHRISTIAN BRAVO !! doré a l’or fin ! roi de la tournure ! amicalement annie

IRIS 1950
Membre
1 mai 2017 15 h 40 min

Très beau ce récit du jardinier. Bravo à vous. IRIS