L’âne du fermier – Christian Satgé

Petite fable affable

Un âne, en son pré, gambadait
Mufle au vent et yeux aux nuages.
Le Malheur veut que ce dadais
Tombe en un puits profond, sans âge,
Devenu sec depuis longtemps
Et donc oublié tout autant,
Même par les vieux du village.
Blessé, il brait au secours
Si fort qu’on l’entend à la ferme.
À ces cris, son bon maître accourt,
Sentant bien qu’un drame est en germe.
Conscient de la situation,
Il décide, sans compassion,
Que l’histoire doit avoir un terme.

Pour ce vieux trou abandonné,
Il faut le reboucher sur l’heure.
L’âne blessé est condamné,
Sûr, tant il geint, tant il pleure.
En plus, il est vieux et mal allant,
Et le sortir, bon an mal an,
Sera exploit plus que gageure.
Le fermier hèle ses enfants
« Comblons ce puits, enterrons l’âne ! »
Et tous de pelleter, triomphants,
Quels que soient les sons qui émanent
Du trou : l’animal a compris,
Il braille, entre rage et mépris,
Quand la glèbe son poil profane.

Et tous croient en avoir fini
Quand la bête cesse de geindre.
Le puits se bouche et se garnit.
Or quand je jour allait s’éteindre,
On vit deux oreilles pointer.
Le fermier, tout désappointé,
Vit l’âne sortir sans se plaindre.
Vite, la bête s’est aperçue
Qu’en s’ébrouant, avec colère ,
Pour ôter la terre reçue
Puis en montant le tas… La lère !

La vie nous est souvent un puits
Dans lequel pleuvent les ennuis,
Soyons des ânes exemplaires !

© Christian Satgé – septembre 2011

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
22 avril 2018 18 h 08 min

Sourire…. belle fin, je m’attendais au pire. Ouf
vive l’âne, pour moi, l’un des animaux les plus touchant..
Anne… Et oui.