la taurine révolution – Christian Satgé

Petite fable affable

L’herbe était plus grasse que ses flancs.
Alors ce taureau fomenta la révolte :
Ce que l’on sème, un beau jour, on le récolte…
Si les siens le trouvaient gonflant,
Moutons, à l’ouïr, furent moins désinvoltes.
L’écornifleur souffreteux pétri
De peurs comme une vraie poule piaulante,
Convertit même un âne flétri
Faisant tourner en bourrique une troublante
Mule et son maître, fort dénutri.

Les raisons de la colère chez ces bêtes ?
Le manque d’herbe et le fermier.
Trop d’animaux paissaient une fort maigre herbette
Et le paysan, un fumier,
S’amusait à tous les voir jeûner, l’air bête.

Et donc aux prés ça ne peut durer.
Notre taureau le signifia aux autres :
« Il faut casser enclos et murets,
Piller les greniers pour que mangent les nôtres
Qui la faim ont par trop enduré !
Sus !… Nous serons les plus forts parce qu’en nombre,
Et de nos cornes bien armés !
(L’âne, motivé, avait opiné ce point sans l’ombre
D’une hésitation) Désormais,
À nous paix et pain ! À lui la pénombre ! »

Seuls quelques bovins hésitaient un brin :
Ce taureau maigre et braillard, quelque agréable
Que soit sa compagnie au terrain,
Disait-on chez les vaches, prou sociables ,
– Je le tiens de quelque nourrain –
Son absence l’est encore davantage !
Donc ses dires eurent peu d’écho
Aux maigres et secs pâturages, ce battage
Plut fort aux brebis, aux chèvres and co.
– C’est-à-dire à l’âne, lassé des paquetages ! –

Notre taureau lança, un matin,
Ses troupes sur la ferme. Or les reçurent
Les trois chiens qui, sans baratin,
Les remirent, non sans coups, bleus et blessures,
Dans le droit chemin comme mâtins.

Quant au meneur, il broutait, bien tranquille,
En des pâtures débarrassées
De tous leurs hôtes, fier comme un édile.
Ceux-ci se battaient sans se lasser,
Pour lui et ses idées. Général habile,
Il était de ces nombreux hâbleurs
Toujours prêts à se lever et à abattre
Un trône, criant en bateleur
« Fi du tyran et foin du malheur :
Armons-nous, mes frères, et partez tous vous battre ! »

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Brahim Boumedien
Membre
6 février 2020 22 h 14 min

Il “faisait parler les animaux, pour instruire les hommes”. Vos partages sont tellement généreux et instructifs qu’ils sont intéressants et utiles à tous ceux qui ont la chance de bénéficier de votre amitié ! Merci !

OberLenon
OberLenon
Invité
6 février 2020 17 h 46 min

Ils sont nombreux ceux qui crient “Au combat !” et qui restent bien aux abris tandis que les autres choient… Une belle fable encore. Vous ne manquez jamais de sujet