Maman fabriquait la pluie et le beau temps
Les jours de pluie étaient tempêtes
Suivie d’ouragans si violents
Qu’ils arrêtaient brusquement toute fête.
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La rage venait d’un mot issu
D’une phrase, d’une expression,
D’une histoire qu’elle avait entendue
Ou une simple idée qui lui servait d’explosion.
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Les tempêtes n’étaient pas toujours brutales
Mais elles s’étendaient
Elles commençaient un matin sans raison véritable
Et lentement s’éteignaient.
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Mêmes plaintes, tous les jours
Presque sans arrêt
Sans exception, jour après jour après jour.
Et sans rien dire il fallait supporter.
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Papa de son flegme qui me subjuguait
Ne disait que mot, il attendait simplement
Que graduellement la tempête s’apaise
Et un jour le vent d’insanité cessait, infailliblement.
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Nous étions heureux les jours de soleil
Maman riait de tout, racontait des histoires
Parlait beaucoup et nous faisions pareil
En nous gardant espoir.
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Et puis venu de nulle part
Sans comprendre pourquoi
Un jour la colère revenait
Furieuse, incontrôlable, et tout recommençait.
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Après de longues années de réflexion
J’en arrivais à la conclusion que maman
Était envahie par je ne sais quel démon
Dont j’ignore la cause mais qui revenait, inlassablement.
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J’imagine qu’elle souffrait de ces sauts d’humeur
Qu’elle ne pouvait ni contrôler
Ni comprendre et qui lui enlevait le bonheur
De trouver la paix.
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J’y pense aujourd’hui avec beaucoup de chagrin
Si j’avais pu donner une sujétion elle aurait refusé;
Et c’eût été une guerre sans fin
Je ne l’ai pas aidée, je n’ai même pas essayé.
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À mon époque on ne disait pas que sa mère n’était “pas bien”
Les aliénés étaient dans les maisons enfermées
Et nous continuions notre vie, mine de rien
Et toutes ces âmes perturbées restaient ignorées.
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©Bernadette Laroze