La musique et Jean-Marie (suite) – Autobio Tome LXXII – Jean-Marie Audrain

LXXII – La musique et Jean-Marie (suite)

Comme je vous en avait déjà fait part, à 8 ans j’ai manifesté le désir de rentrer au conservatoire municipal. Celui-ci n’était alors qu’un projet naissant localisé dans les écoles. J’ai donc postulé pour des cours d’orgue dans mon ancienne école maternelle. La réponse fut doublement cinglante : on ne joue par d’orgue dans les écoles, surtout pas si jeune, et il faut commencer par deux ans de solfège en oubliant les cours d’instrument. Etant énormément motivé je me suis arrangé pour faire ces 2 ans de solfège en une seule année. Au terme de cette formation, on me redit clairement qu’il n’y avait pas de cours d’orgue faute d’orgue dans les écoles-conservatoire et qu’il fallait opter pour un autre instrument. En choisissant la guitare classique, j’ai dû changer de conservatoire école et me rendre à celui situé à l’autre bout d’Antony. Mon professeur était un barbu vêtu en dandy qui se limait constamment les ongles. Quand je sortis ma guitare espagnole de sa housse il me rit au nez sans retenue. Il me donna les références d’une guitare made in Japan de marque Rockoman à acheter chez Helbert Musique, l’enseigne phare de banlieue sud sise à Antony également.

Quand j’arrivais, le samedi, dans la salle de classe devenue salle de cours de guitare, à travers sa petite vitre je voyais mon professeur en train de charmer toujours la même grande et belle blonde qui passait toute sa journée à l’admirer. Souvent l’élève me précédent était rapidement mis à la porte et durant l’entre cours j’assistais aux baisers et câlins de mon professeur de guitare à travers la porte. Il ne fallait pas rigoler avec ce professeur. Par exemple, si la main droite sautait un temps soit peu, il en approchait un compas ou une cigarette allumée pour nous apprendre les bonnes manières. Ayant commencé la guitare par moi-même, cette discipline ne me posa aucun problème, mais j’ai vu des copains vomir de trouille, la guitare entre les jambes, devant cette porte. Comme répertoire il y avait soit des feuilles ronéotées aux mélodies bébêtes composée par mon professeur, soit des airs traditionnels qu’il nous faisait acheter chez Helbert Musique dans des recueils qu’il signait de son nom. C’était un sacré filou. Je connaissais toutes ces pièces pour les avoir entendues sur les disque de Narcisso Yepes, le guitariste qui jouait Jeux interdits.

Plusieurs fois, je dus changer de guitare car je grandissais et progressais plutôt rapidement. J’en venais à composer sur ma nouvelles guitare des mélodies que j’écrivais sur mon cahier de musique. Lorsque je me rendis chez « Helbert » (devenu Fernand tant on se connaissait bien), j’aperçus une copie de guitare électrique copiant la célèbre Stratocaster de Fender. Je la demandai aussitôt comme cadeau de Noël à mes parents.

Cette même année, ma marraine, tata Popo, m’avait demandé quel cadeau me ferait plaisir. Ayant répondu un orgue électronique, elle m’emmena à Paris chez Paul Beuscher et m’acheta le meilleur : Un mini Gem tout rouge. J’ai demandé à Fernand Helbert si je pouvais y brancher dessus ma Stratocater. Il me répondit positivement : « Essai sur la prise pédale, mais vas y molo mon gars, pour ne pas faire péter le H.P ».

J’installai alors une salle de musique dans la chambre de mon défunt grand-père. La guitare électrique amplifiée par l’ampli de l’orgue sonnait tellement bien que les vitres en tremblaient. C’est à cette occasion que j’appris que le voisin immédiat de ma grand-mère travaillait la nuit comme machiniste aux presses de l’Humanité et aurait bien aimé pouvoir dormir le jour. C’est sa femme qui cognait au mur et hurlait pas le fenêtre laissant apparaître l’immense poster de Lénine tout rouge.

J’aimais passer de l’orgue à la guitare Fender pour interpréter les premiers succès de Deep Purple. Ma grand-mère n’aimait pas du tout mais appréciait de me voir me réjouir en faisant sonner cette musique « de sauvage » comme elle disait. Quand je chantais puis criait les ouh ouh ouh de Child in time, elle croyais que j’allais la rendre folle. Je crois qu’elle en venait encore à préférer Cum on feel the noise du tonitruant groupe Slade. A partir de 12 ans, j’ai appris les tournures anglaises avec Honky Tonk Woman et autres Jumping Jack Flash.

Parallèlement je progressais en guitare classique et je jouais des duos avec ma copine et voisine Corinne Rousseau ou avec le talentueux Stéphane Chagnot. A 11 ans, j’avais commencé le piano classique avec mon prof de musique de mon collège Sainte Marie Lacroix. Un véritable artiste à la crinière léonine avec la tête bien dans les hautes sphère. Pour le premier cours il me fait acheter et déchiffrer le premier prélude de Jean Sébastien Bach et pour le deuxième Lettre à Elise. etc etc. J’étais devenu un dingue du déchiffrage en clef de sol et fa.

A la fin de ma classe de 6ème, j’avais demandé mon transfert au conservatoire de Fresnes qui venait de passer conservatoire national sous la direction du chef d’orchestre Jean-Jacques Werner. Pour les cours de guitare, j’avais comme professeure Geneviève Rosset, remplacée parfois par son époux. Le niveau y était de 3 années supérieur à celui d’Antony. J’ai rencontré l’organiste Georges Delvallée pour lui demander de me donner des cours d’orgue, vu que ce conservatoire possédait un réel orgue d’église. Ce professeur m’apprit que je devais commencer par plusieurs années de piano. Bon gré mal gré je relevai le défi, même si j’avais des affinités toutes particulières pour l’orgue depuis tout jeune. Je me suis surpris à prendre grand plaisir à interpréter ce que Mozart jouait et interprétait entre 4 et 6 ans, le petit livre d’Anna Magdalena Bach et quelques sonates de Beethoven, ma préférée étant celle rebaptisée Claire de lune. Bien entendu Georges Delvallée avait donné à mes parents l’adresse des Piano Gilles afin de m’acheter le piano de mon choix. Je choisis sans hésiter un Yamaha acajou au toujours plus souple que les marques allemandes. Ce piano ne m’a d’ailleurs jamais quitté, m’ayant accompagné dans tous mes déménagements.

Pour ma grand-mère, j’avais composé une petite valse sur mon Yamaha et quand je la jouais chez mes parents, elle l’entendait depuis son appartement situé deux étages plus bas. Parfois elle gravissait ces deux étages pour m’entendre et voir jouer sa petite valse. C’est le nom duquel j’ai fini par baptiser ce morceau. J’aimais enchainer sur un swing-rock de ma composition et, à mon grand étonnement, ma grand-mère l’appréciait également. Je n’ai jamais pensé à baptiser cette composition espérant y composer des paroles plus tard. Ce plus tard n’est pas encore advenu.

Je crois que j’ai hérité de mon père cette aptitude à composer sur tous les instruments que je touchais. Mon père avait une super cithare encore appelée autoharpe et y composait des mélodies avec paroles dans le pur style de la tradition bretonne. Tonton Claude m’avait offert le tout premier magnétophone à cassette Philips afin que je m’en serve pour travailler. Enregistrer mes compositions fut ce qui m’apparaissait comme le travail le plus urgent. Peu de temps après ma grand-mère me donna le magnétophone à bande de mon grand-père, ce qui me permit de passer à une qualité supérieure d’enregistrement. L’avantage pour elle était qu’elle pouvait m’écouter quand je lui redescendait ce magnétophone qui lui était plus familier que ce tout nouveau Philips à cassettes.

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (509)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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2 Commentaires
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Plume de Poète
Administrateur
3 mars 2021 10 h 48 min

Il est fort agréable de suivre depuis le début ce parcours si riche, dans tous les sens du terme, mais aussi de découvrir, tome après tome, une vie qui laisse ses traces comme cette belle biographie qu’on aime parcourir.
Merci vraiment Jean-Marie pour ce beau partage !